Conscience

Conscience

Trois événements récents me font réfléchir.

Fin septembre, Madame la ministre de la santé réagissait à la prise de position d’un gynécologue exprimant son refus de pratiquer des avortements, et faisant valoir la clause de conscience pour ne pas être obligé de « retirer une vie ». Elle a déclaré souhaiter que la loi oblige tous les médecins à pratiquer des avortements, indépendamment de leurs éventuels problèmes de conscience. Notons que ce médecin n’empêchait personne de le faire. Une question grave se pose alors, au-delà de ce cas précis : la loi peut-elle obliger un citoyen à agir contre sa conscience ? L’histoire montre que les Etats qui ont osé cela se sont toujours révélés des dictatures.

Lors d’une récente rencontre, une personne m’a rapporté l’événement suivant. Bloquée à un rond-point par quelques « gilets jaunes », un manifestant l’a interpellée : « Si vous dites que vous êtes d’accord avec nous et que vous nous soutenez, vous passez tout de suite. Sinon vous resterez bloqué ici. Un certain temps, et un temps certain. » Débat de conscience ! Elle n’était pas contre ces manifestations même si elle n’y participait pas, mais trouvait le processus sournois. La tentation de dire et de faire quelque chose qu’on ne pense pas vraiment était forte pour être rapidement libéré. Mais commencer à se mentir à soi-même sur les petites choses n’est-il pas l’imperceptible chemin vers l’obscurcissement de la conscience et l’abdication de notre dignité ? Des pressions anodines ne risquent-elles pas à terme de s’avérer dévastatrice ? L’histoire encore montre que les plus grandes cruautés ont souvent commencé par des « petits arrangements avec sa conscience. »

Enfin, le témoignage d’un psychiatre intervenu récemment dans un lycée pour évoquer les questions de bioéthique m’a particulièrement marqué. Il me disait que sur ces sujets, il lui avait été impossible d’ouvrir les jeunes rencontrés au questionnement. Non pas qu’il y ait eu particulièrement d’agressivité. « Mais c’est comme cela ; la science et les experts ont parlé, il n’y a rien d’autre à dire. » Le questionnement a disparu, le sujet est objectivement tabou, la conscience est chloroformée.

Vaclav Havel, qui n’était pas chrétien mais a été très marqué par la lecture de l’Evangile selon saint Jean, a défendu par les actes – cela lui a valu cinq ans dans les prisons de l’ancienne Tchécoslovaquie communiste -, la théorie de « la vie dans la vérité. » Un événement l’a amené à une prise de conscience. Il a compris que l’état dictatorial voulait manipuler le peuple par la peur. Il a décidé de ne plus y céder. Se mentir à soi-même n’est jamais une solution acceptable. Et tout acte bon, aussi anodin et inconnu soit-il, a toujours un sens.

Si nous n’y prenons pas garde, de dangereux glissements peuvent avoir lieu dans notre pays.  Ce Travail de conscience est toujours à éveiller et à promouvoir. Non seulement refuser le formatage de la pensée unique, mais cultiver la liberté pour servir l’authentique dignité humaine. La fraternité évangélique est à ce prix.

« C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés », déclare Saint Paul en Ga 5,2. Il dit aussi en Rm 13,11 : « C’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil ! »