Retour sur l’ordination presbytérale de Gabriel de Colnet

Gabriel de Colnet a été ordonné prêtre par Mgr Olivier Leborgne  dimanche 24 juin en la Cathédrale d’Amiens. De nombreux fidèles sont venus l’entourer pour prier et rendre grâce lors de  cette célébration d’ordination. C’est une grande joie  pour notre Diocèse…

HOMÉLIE DE MGR OLIVIER LEBORGNE

« Non, il s’appellera Jean. » Elisabeth vient de prendre la parole, contre toutes les habitudes de cette époque, pour annoncer une rupture forte dans la tradition de nomination des nouveau-nés.  Son fils s’appellera Jean. Zacharie le confirme : « Jean est son nom. » Son nom sera donc « Dieu fait grâce ». « L’ Évangile de la grâce de Dieu » (Ac 20,24), que Saint Paul développera avec tant de profondeur dans ses lettres, est immédiatement manifesté. Le Baptiste fait signe vers la grâce, tout son être et toute sa vie sont là.

Mon cher Gabriel, alors que tu es présenté à l’Eglise pour être ordonné prêtre, la liturgie de ce jour nous oriente vers la grâce. C’est l’occasion pour nous de rendre grâce pour l’appel de Dieu et pour ton désir d’y répondre, mais aussi de nous arrêter quelques instants pour essayer de comprendre la grâce que le Seigneur nous fait à travers toi et ce sacrement que tu vas recevoir.

Nous le croyons, l’Ecriture l’atteste, la tradition le déploie, le Seigneur a voulu le sacrement de l’ordre pour structurer son corps qu’est l’Eglise. A travers les Douze qu’il a appelé de son intimité avec le Père après une nuit de prière (Lc 6,12) et qu’il a institué et créé comme collège (Mc 3,14), il s’est agrégé les apôtres pour qu’ils prennent soin de son peuple et deviennent signes de l’unique pasteur. C’est dans cet acte qu’a pris naissance le ministère ordonné.

Si tous les baptisés comme membres du Corps du Christ participent à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi, c’est un abus de langage de dire que tous sont prêtres. Le Christ est l’unique grand prêtre – la lettre aux Hébreux le déploie avec force -. Vrai Dieu et vrai homme, il est celui qui dans son offrande nous conduit à Dieu. Il nous donne à Dieu et nous donne Dieu, nous « plongeant » ainsi dans la source vive de la vie qu’est le Père.

Le Christ se reçoit du Père. En Lui, dans la grâce de l’Esprit-Saint, nous apprenons à nous recevoir du Père. Le Christ s’offre au Père. En lui, dans la grâce de l’Esprit Saint, nous apprenons à nous offrir au Père. Au service de cela, le Seigneur appelle les prêtres. La différence entre le sacerdoce commun des baptisés et le sacerdoce presbytéral n’est pas de degré ou d’intensité mais de nature. Les prêtres sont quelques-uns appelés au service de tous pour que tous puissent se donner au Père en s’ouvrant au don du Christ.

Par l’ordination presbytérale le prêtre est configuré au Christ tête. Il devient signe sacramentel du Christ pasteur. S’il n’y a pas identité entre le signe et celui dont il est signe, à travers le signe sacramentel, c’est bien le Christ lui-même qui agit. La mission du prêtre est de désigner celui qui se donne, sauve et envoie. Le centre unifiant de tous les services du prêtre est l’attestation que Jésus-Christ est bien en train d’offrir le salut et de l’accomplir dans l’Eglise. Comme il essaie de s’y ouvrir, le prêtre accompagne chacun dans l’accueil de la grâce comme source de toute vie. Comme lui-même doit y entrer, il aide chacun à entrer dans l’être-pour-autrui (pour Dieu et pour ses frères) de Jésus-Christ.

En vous partageant cela, j’ai bien conscience que c’est énorme. J’ai bien conscience de ma profonde indignité pour cela comme de la tienne, Gabriel. Et de l’impossibilité absolue d’en faire une prérogative méritoire. Mais voilà, tel est ce que Dieu veut. Dans la logique de l’incarnation, il continue à vouloir se donner à fleur de peau, à fleur de chair, à travers des hommes qu’il appelle non pas à cause de leurs mérites mais parce qu’il le veut.

Le prêtre exerce dans l’Eglise pour le monde un ministère de salut. Il y a sans doute là quelque chose à approfondir de manière renouvelée, dans un monde qui tout en semblant ignorer la notion de salut y aspire profondément. Le Christ est au centre de la vie chrétienne. Il est le salut et la joie des hommes. Le ministère presbytéral est là pour maintenir vivante cette conviction de foi.

Gabriel, tu prendras le temps de te laisser façonner par cette grâce de l’ordination. Ne cherche pas tant à la comprendre qu’à te laisser prendre par elle, pour la gloire de Dieu et le service de tes frères et sœurs. Je me souviens de cette amie qui un jour m’a dit : « mais Olivier, est-ce que tu vas croire vraiment à la grâce du sacrement que tu as reçu le jour de l’ordination ? » Cela demande un profond engagement, dans la vie spirituelle et sacramentelle, dans la fraternité sacerdotale, dans le service de ceux et celles auprès desquels tu seras envoyé. Autant de lieux où nous apprenons à nous recevoir du Tout Autre, autant de lieux qui nous guérissent des éventuelles tentations idéologique ou narcissique. Cultive aussi le désir de la grande humilité. C’est seulement en elle que l’on peut attester de l’identité sacerdotale telle que le Seigneur la veut.

 « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » dit le Seigneur à son serviteur en conclusion du deuxième chant du Serviteur souffrant que nous entendions en première lecture. Ces chants annoncent le Christ. En Christ, en qui tu vas être ordonné prêtre, Gabriel, cela désigne ce que tu deviens : ministre du salut dans l’Eglise pour tous les hommes.

Frères et sœurs, les mots sont toujours maladroits pour décrire le don de Dieu qui dépassera toujours notre compréhension. Mais nous comprenons, nous entrevoyons le don inouï que le Seigneur veut faire au monde par le sacrement de l’ordre. Et dans la logique de l’incarnation, cela passe toujours par la médiation de l’humanité. Aujourd’hui celle de Gabriel.

Rendez grâce pour Gabriel. Rendez grâce pour tous les prêtres du diocèse et ceux que vous connaissez. Que notre gratitude devienne intercession, tout particulièrement quand nous sommes gravement infidèles au don de Dieu. Ce ministère de salut n’a de sens qu’en vue de l’exercer pour Dieu, et donc pour vous. Nous rendons grâce pour chacun d’entre vous et pour l’Eglise que le Seigneur construit avec vous. Osons le témoignage du salut au cœur du monde.

Que le Seigneur soit béni !

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