Ouverture de l’Assemblée synodale: Homélie de Mgr Leborgne

« Cher Théophile ». C’est à Théophile que Luc adresse tant son évangile que les Actes des Apôtres. Cher Théophile. Cher « celui qui aime Dieu », cher « bien-aimé de Dieu ». Les deux traductions sont possibles. Cher celui-qui-aime-Dieu bien-aimé-de-Dieu ou cher bien-aimé-de-Dieu qui-aime-Dieu.

Ce qui nous rassemble, dans la diversité de ce que nous sommes – et Dieu sait que nous sommes différents ! – c’est que nous sommes tous et chacun «Théophile », c’est l’expérience que nous avons de l’amour de Dieu et notre désir de l’aimer et de le faire aimer. Autrement dit, c’est notre vocation de disciple missionnaire que nous voulons approfondir pour mieux l’habiter et la partager.C’est un premier point qui me parait décisif pour ces trois jours que nous allons passer ensemble :vous allez débattre, parfois vous serez d’accord, parfois vous ne le serez pas ; vous allez voter, parfois nous serons enthousiastes, parfois peut-être un peu sur notre faim. Quoiqu’il en soit, vous et moi,nous n’oublierons pas quel est notre lieu : l’amour de Dieu qui nous précède comme don absolument gratuit. Nous n’oublierons pas quel est notre désir : aimer Dieu et le faire aimer.

C’est ce qui nous rassemble. C’est comme cela que nous voulons nous accueillir, nous découvrir, et nous regarder.

Chers bien-aimés de Dieu qui voulez aimer Dieu et le faire aimer, vous voilà donc partis pour une aventure de 3 jours.

« L’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire » disait il y a quelques instants la prière d’ouverture. L’Ascension n’est pas un épisode ésotérique ou folklorique. Celui « qui monte au ciel »est celui qui en vient mais qui y retourne autrement qu’il en est venu. Il y retourne dans le réalisme de sa résurrection. Il y retourne en ayant assumé notre humanité avec ses promesses et ses blessures. Il y retourne dans cet amour jusqu’au bout qui ne s’est pas dérobé et, sur la Croix, a assumé notre mort. L’Ascension est ainsi notre victoire parce que depuis l’Ascension notre propre humanité est plantée dans le ciel, c’est-à-dire dans le cœur de Dieu. Nous sommes plantés dans la Trinité ! Par le Christ ressuscité, tel est non seulement notre avenir mais déjà notre terreau. C’est de ce lieu-là que nous allons vivre ce synode.

Nous allons réfléchir ensemble à l’avenir du diocèse.
Nous savons bien que les « y qu’à – faut qu’on » ne fonctionnent pas, et que passer d’une insatisfaction ou d’une critique à une proposition constructive et opérationnelle n’est pas si simple que cela. Nous voulons quitter toute amertume pour nous rendre disponible à la créativité de l’Esprit. Nous sommes tous d’accord sans doute pour vouloir déployer l’essentiel de l’Évangile. Pour certains cela veut dire qu’il faut redonner un cadre
fort. Pour d’autres qu’il faut avoir l’audace du monde. Pour certains la peur est d’aller trop loin, pour  d’autres elle est de ne pas aller assez loin. Pour certains il faut revenir à plus de radicalité évangélique, pour d’autres il faut insister sur l’ouverture et l’adaptabilité. Quel chemin prendre alors ?

« Seigneur, est-ce maintenant où tu va rétablir le royaume pour Israël ? » demandait les disciples à Jésus dans l’évangile que nous venons d’entendre. La tentation du rétablissement. Les disciples attendent de Jésus qu’il « rétablisse », qu’il revienne à quelque chose de connu. Ils sont tournés vers eux-mêmes, vers ce qu’ils connaissent et vers le passé, plus que vers le Seigneur et la nouveauté que ne cesse de créer l’événement de sa résurrection. Il peut nous arriver, à nous aussi, d’être tenté par un tel « rétablissement ». Celui qui émane de notre nostalgie, de nos frustrations ou déceptions, de notre imaginaire ou de nos rêves, de nos idéologies ou de notre « sensibilité spirituelle. » Cette tentation est d’autant plus subtile qu’elle peut être difficile à repérer. Or l’Évangile est davantage ce qui nous manque et nous appelle que ce que nous possédons ou vivons. Il est comme notre part manquante, pourtant toujours offerte dans la gratuité absolue du don de Dieu en Christ. Il nous appelle de l’avenir comme promesse de Dieu. Il ne s’agit donc de rétablir aucun des « royaumes » qui vous viennent ainsi à l’esprit. Le Christ n’est pas le garant d’une mémoire sélective mais d’une espérance commune. L’évangile, c’est-à-dire l’événement Christ, est devant nous. Et c’est ainsi qu’il nous précède toujours. Ainsi, il s’agit moins de réformer dans un sens ou dans un autre que de nous conformer à l’appel de l’Esprit, à la nouveauté radicale de la résurrection, à ce que l’Évangile nous promet que nous ne pouvons découvrir qu’en nous y engageant. Notre sécurité n’est pas dans une forme prédéfinie, elle n’est qu’en Christ ressuscité qui « fait toutes choses nouvelles ». Nous nous appuierons sur la Tradition de L’Église, sur notre expérience, sur ce que nous connaissons, sur nos analyses, tout particulièrement sur les 630 propositions qui nous ont été transmises par les équipes synodales, mais nous regardons résolument devant – honorant ainsi ce que les théologiens appellent la dimension eschatologique de la foi.

« Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. » Nous avons entendu la finale de l’évangile de Marc.Elle décrit ce que le Seigneur veut faire avec nous. L’inouï. L’immense. L’apparemment impossible. Comment pourrait-il faire cela dans notre terre de Somme où nous n’avons pas toujours confiance en nous et nous sentons si pauvres ? Le Seigneur travaille avec nous ! Et il veut le confirmer par les signes qui l’accompagneront. Laissez-le travailler avec vous pendant ces jours. Laissez-vous travailler par lui.

« A chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ, » déclarait l’apôtre Paul dans la 2ème lecture. A chacun d’entre vous, un don a été fait par le Christ. A la mesure de son don qui est sans mesure. Nous n’y avons pas accès les uns sans les autres. Je vous le demande, osez tous le don de la grâce du Christ qui vous a été donné, osez ce don que vous êtes pour l’Église et pour le monde. Rien n’est écrit, et rien n’est impossible à Dieu !Je demande à l’Esprit d’audace et d’humilité, de vérité et de charité, de conseil et de force, d’intelligence et de discernement, à l’Esprit unique enseignant et premier évangélisateur, de vous combler de sa présence et de son feu.

Ma prière ne vous lâchera pas pendant ces trois jours. Bonne assemblée synodale !

Je vous le demande, osez tous le don de la grâce du Christ qui vous a été donné, osez ce don que vous êtes pour l’Église et pour le monde. Rien n’est écrit, et rien n’est impossible à Dieu !Je demande à l’Esprit d’audace et d’humilité, de vérité et de charité, de conseil et de force, d’intelligence et de discernement, à l’Esprit unique enseignant et premier évangélisateur, de vous combler de sa présence et de son feu.

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