Parole de notre évêque : Stratégies du démon

Stratégies du démon

Le titre de cet éditorial peut surprendre. Parler du démon, n’est-ce pas prendre le risque de renvoyer à des arrières mondes, d’utiliser un registre de vocabulaire mythique et/ou merveilleux, de renoncer à investiguer les vraies causes de ces blessures qui nous font adopter des comportements qui abiment la relation, la communion et notre propre intégrité ?

Pourtant, l’apôtre Paul est extrêmement clair dans la lettre aux Ephésiens (6,10-12) : « Enfin, puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’équipement du combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal… »

Le langage de saint Paul ne nous est pas familier. Nous ne sommes pas habitués comme l’étaient ses contemporains à la description d’un monde des esprits. Mais n’en concluons pas trop vite que tout cela serait archaïque. Les représentations que nous en avons le sont très souvent. Mais la réalité évoquée nous renvoie à quelque chose de capital. J’entends deux choses : d’une part le combat que nous avons à mener n’est jamais contre des personnes (« nous ne luttons pas contre des êtres de chair et de sang »). D’autre part, il y a un bien un combat à mener, un combat spirituel, un combat pour Dieu, pour nos frères et pour nous-mêmes, un combat ainsi « contre les manœuvres du diable » qui veut nous en éloigner.

Alors, il peut être bon de décrypter ces manœuvres. Parmi les pièges tendus par le Malin,  je voudrais en citer quatre. Quatre mises en garde, quatre appels à la conversion.

Le murmure:
J’ai eu l’occasion d’écrire quelques lignes à ce sujet  dans un precedant édito paru dans la revue «  Le Dimanche » et je ne m’étends pas. Partout où je passe, je vois les blessures et les dégâts qu’occasionne le murmure. Quand apprendrons-nous à nous taire et/ou à oser la rencontre vraie du frère ?

Le statisme:
Nous sommes parfois prisonniers du faire. Il y aurait un « faire-rituel-cultuel » à assurer absolument. Ce qui est sans doute juste, mais cela nous accapare de telle manière parfois que nous ne savons plus pourquoi nous le faisons, que nous sommes incapables d’accueillir la moindre question sinon en la recevant comme une agression. Nous nous croyons missionnaires, et nous ne faisons qu’attendre, répétant inlassablement des attitudes qui si elles ont été bonnes à une époque ne portent plus de fruits aujourd’hui, et parfois depuis longtemps. Il ne s’agit pas de changer pour changer. Mais d’oser la question, d’accepter l’incertitude, de renoncer à la répétition pour la répétition, d’arrêter de justifier notre inertie, … bref, d’être toujours en chemin derrière Celui qui est le chemin, nous qui sommes « les adeptes de la Voie » (Ac 9,2)*

L’incapacité à faire avec le réel:
Si ma paroisse ou mon diocèse, si mon curé ou mes fidèles étaient autrement, si l’ECP ou telle équipe ou mouvement étaient autrement, … Eh bien non, ils ne sont pas autrement ! S’il y a des choses à leurs dire, disons-les, dans l’audace et la simplicité d’une authentique correction fraternelle. Mais commençons par implorer l’Esprit du Seigneur pour notre propre conversion et pour aimer ceux qui sont là et que le Seigneur nous donne comme frères et sœurs. Il ne s’agit pas de se résigner. Il faut toujours chercher la volonté du Seigneur. Très souvent, elle déplace et déstabilise. Le Seigneur peut nous demander de persévérer dans une intuition profonde et juste qui semble ne provoquer dans un premier temps que des résistances. Mais son Esprit progressivement purifiera notre projet et nos attitudes, et nous aidera à trouver la bonne manière de faire. Celle qui, ne faisant pas l’économie de la Croix, est un vrai chemin d’avenir et de résurrection.

Le dénigrement, l’indifférence ou le jugement comme dépassé de ce à quoi invite la grande Tradition de l’Église:
On a le droit de ne pas être d’accord (arrêtons de penser que tout désaccord est un accroc à la communion). Mais parlons-nous à partir de notre pauvre moi, ou dans une authentique recherche de la Vérité – qui ne dépend ni des modes ni d’abord des sentiments ou de l’émotion – ? Comment sommes-nous capables de vivre l’altérité (pas seulement la différence) ? C’est un baromètre assez fiable de notre capacité à nous recevoir du Tout Autre qu’est Dieu.

Quatre pièges – il y en a bien sûr d’autres, mais en voilà déjà quatre – qui abîment la communion missionnaire qu’est appelée à devenir un diocèse.Quatre pièges. Mais n’ayons pas peur des stratégies du démon, saint Paul nous en a donné l’antidote :

« Pour cela, prenez l’équipement du combat donné par Dieu […]. Oui, tenez bon, ayant autour des reins la ceinture de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. » (Ep 6,13-15)

Mgr Olivier LEBORGNE
Évêque d’Amiens


* Comment ne pas évoquer ici la merveilleuse soirée de catéchèse adultes vécue récemment à Roye, autour de la 4ème rencontre du parcours des Actes des Apôtres (la conversion de saint Paul), lors de ma visite pastorale dans le Santerre ?

 

MGR Olivier Leborgne

« Pour cela, prenez l’équipement du combat donné par Dieu […]. Oui, tenez bon, ayant autour des reins la ceinture de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. » (Ep 6,13-15)