L’accompagnement des familles en deuil

L’accompagnement des familles en deuil :

un ministère de la compassion, de l’annonce et de l’évangélisation

« VOUS ÊTES DES MISSIONNAIRES ! VOTRE MINISTÈRE EST UN MINISTÈRE DE LA COMPASSION MAIS AUSSI D’ANNONCE ET D’ÉVANGÉLISATION.» PAR CES MOTS, MGR LEBORGNE À ACCUEILLIS LES MEMBRES DES ÉQUIPES D’ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES EN DEUIL DU DIOCÈSE. « VOUS AIMEZ EN ACTES ET EN VÉRITÉ CEUX QUE LE SEIGNEUR VOUS ENVOIE. VOUS ÊTES LES TÉMOINS DU MYSTÈRE PASCAL. VOUS REPRÉSENTEZ LE CHRIST, TELLEMENT AMOUREUX DE L’HOMME QU’IL A PLONGÉ DANS LA MORT POUR Y FAIRE JAILLIR LA VIE.»

Funérailles et accompagnement des familles en deuil

Après les deux fiches du guide pour demain, en 1996 par Mgr Noyer et en 2003 par Mgr Bouilleret, alors que nous sommes riches maintenant de plus de 20 ans d’expérience, mais aussi que de nouvelles questions se sont posées ces dernières années, il m’a paru bon de se redonner des repères communs.

UNE MISSION CENTRÉE SUR LE MYSTÈRE PASCAL

Comme la catéchèse, comme la célébration des sacrements, les funérailles sont centrées sur le mystère pascal. La foi chrétienne à pour cœur la mort et la résurrection de Jésus, notre unique espérance. Si on ne parle pas de cela en préparation au baptême, on ne parle pas du baptême chrétien. St Paul dit en 1 Co 2 : « Je n’ai jamais rien voulu savoir sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié. » On ne peut pas parler de miséricorde sans parler de la Croix, de l’amour jusqu’au bout qui se donne jusque dans la mort et la traverse pour nous entrainer dans la résurrection du Christ. Il y a peu de temps, lors d’une visite pastorale, je discutais avec les membres d’une équipe du service évangélique des malades, et je leur demandais s’ils aidaient les anciens qui s’approchent de la mort à en parler. Ce n’est pas simple, il faut beaucoup de délicatesse, mais je crois que cela peut beaucoup aider les personnes à parler de leur sentiment par rapport à la mort, à la manière dont elles y pensent… De manière diverse mais bien réelle, dans beaucoup de domaine de la vie pastorale, nous parlons de la mort de Jésus, et donc de la mort en général, et nous annonçons l’espérance chrétienne. Il y a là les fondements d’une pastorale des funérailles. Je trouvais important de le rappeler pour qu’on ne délègue pas cette question à l’équipe deuil de la paroisse à la manière où on s’en débarrasserait. Oui, toute la communauté est concernée !

UN ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL, HUMAIN, ECCLÉSIAL, LITURGIQUE ET MISSIONNAIRE DES FAMILLES

Spirituel parce que la mission d’accompagnement des familles en deuil commence, s’accomplit et se termine dans la prière. Relationnel parce que cette mission exprime la compassion de l’Eglise pour nos frères et soeurs touchés par le deuil. Ecclésial, parce que ce service n’est jamais fait en son propre nom mais au nom de l’Eglise et on ne peut jamais le faire seul. Liturgiques, car ce que nous célébrons n’est pas ce que nous croyons mais bien l’espérance et la foi de l’Eglise, et c’est pour cela que nous voulons fidèlement mettre en oeuvre la liturgie de l’Eglise Missionnaire, car les obsèques sont vraiment un lieu capital pour annoncer la bonne nouvelle de l’ Évangile et de l’espérance en Christ.

LA CÉLÉBRATION : UN TEMPS PRÉPARÉ PAR LES ÉQUIPES AVEC LES FAMILLES.

Les proches doivent pouvoir participer à la célébration. Il me semble qu’il serait parfois opportun que vous puissiez dire : en vous écoutant, je me disais que tel texte de la parole de Dieu conviendrait très bien. Je me souviens par exemple d’une célébration de funérailles avec la parabole du Bon Samaritain ou avec l’évangile de l’Epiphanie… Dans la très grande majorité des cas, il n’y aura pas la messe. Mais parfois, si le défunt et sa famille étaient pratiquants, où si l’on sent que cela aurait du sens. L’eucharistie n’est pas une récompense pour les bons cathos, elle est signe de la folle gratuité de l’amour de Dieu. C’est bien-sûr un discernement qu’il faut toujours avoir avec le prêtre. L’homélie ou la méditation ne sont pas le lieu de retracer la vie du défunt, cela a déjà été fait pendant l’accueil. Mais l’homélie et la méditation sont toujours le moment d’annoncer explicitement l’espérance chrétienne, donc le mystère pascal. C’est ce que nous avons de meilleur à offrir: le Christ ressuscité. Homélie et méditation doivent donc toujours partir de la Parole de Dieu pour annoncer l’espérance chrétienne. « Or ou argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai-je te le donne : au nom de Jésus Christ, lève toi et marche » disait Pierre à l’aveugle de la Belle Porte.

UNE PAROISSE EST PORTÉE PAR LE CŒUR DE SON PASTEUR

L’équipe funérailles est toujours constituée du prêtre et des membres de l’équipe, même si tous ne peuvent pas être là à toutes les étapes. Par l’ordination et par la mission reçue de l’évêque, le prêtre est responsable de la prière publique et liturgique de la paroisse. Rien ne peut se faire sans qu’il en soit prévenu. Ne faites pas des prêtres des fonctionnaires de Dieu. Ce sont des pasteurs, signes du Christ Pasteur. C’est leur mission spécifique. Quand j’étais curé de paroisse, je n’ai pas toujours pu être aux obsèques. Mais il était capital pour moi d’être informé de tous les décès, même si je ne connaissais pas le défunt. Je voulais les porter dans ma prière. Une paroisse est portée par le coeur du pasteur. Sinon, vous faites de lui un fonctionnaire. Tous ceux qui vivent cette mission d’accompagnement des familles en deuil savent combien cela apporte. Les prêtres ont donné leur vie pour le service des communautés. Je veux qu’ils puissent aussi vivre cette richesse. Cela les nourrit humainement et spirituellement. A devenir des fonctionnaires, ils se mettent en danger par rapport à leur ministère. Le prêtre est responsable de l’évangélisation (cf. Vatican II). Or le premier lieu d’évangélisation, c’est la pastorale des obsèques. Il me parait impossible qu’ils n’y participent pas directement. Bref, allons-y tous ensemble. En étant le plus pragmatique possible. En accompagnant chacun avec clarté et souplesse, dans la vérité.

PRISE DE PAROLE DE L’ABBÉ JEAN-MARIE POITOUT (EXTRAITS)

Prêtre et funérailles

POUR DÉCRIRE CETTE RELATION, 4 MOTS QUI COMMENCENT TOUS PAR P, COMME « PRÊTRE ».

PASTEUR

J’aurais pu choisir « père » puisqu’on nous appelle parfois comme ça. Le premier souci du prêtre, c’est l’ensemble de ses paroissiens, c’est chacun de ses paroissiens. Pas parce qu’il se prend pour le seigneur du village, mais parce qu’ils lui sont confiés, par l’Eglise, par Dieu. Vous expérimentez sûrement souvent comme nous le faisons maladroitement, mais soyez sûrs de la sollicitude paternelle, du « coeur de pasteur » (Jacques Noyer)… de chacun de mes confrères. (…) Le coeur battant, l’essentiel du ministère de prêtre est d’essayer de représenter le Christ Bon Pasteur auquel l’ordination nous a configurés. C’est le sens de notre vie : nous sommes chrétiens avec vous dans l’égale dignité des baptisés, nous sommes prêtres pour vous. (…)

PERSONNE

Pas le prénom utilisé par Ulysse (« mon nom est Personne »), mais le nom commun : c’est une personne, un être humain dont le parcours terrestre s’achève, c’est un enfant de Dieu qui rejoint le Père éternel, avec sa dignité, son histoire, l’amour dont Dieu l’a entouré. Cela nécessite de notre part humilité et un immense respect devant le mystère qu’est tout être humain, toute trajectoire humaine. Cette personne ne fut pas parfaite. J’emprunte l’image à mon confrère Francis Dupire : le mauvais, on le met en terre, on demande à Dieu de lui pardonner. Le bon, on le garde comme une mémoire vive, on le met en valeur, parce que c’est éternel ! Cette personne a aimé, créé, donné, transformé… un petit bout du monde, un petit moment de l’Histoire. Cette personne, pour le prêtre et pour l’Eglise, elle est un frère ou une soeur en Jésus-Christ. Les funérailles font mémoire de cette personne et la conduisent vers le Christ ressuscité. C’est une grande et belle tâche, confiée pour le coup à l’ensemble de la communauté chrétienne, prêtre et laïcs ensemble.

PÂQUES (OU PASSAGE, OU PASSEUR D’ESPÉRANCE)

C’est le coeur de la Foi. Cherchons la « trame pascale de toute vie » (Géry Leuliet), méditons l’itinéraire du grain de blé, prions à partir du chemin du Christ par la mort vers la vie. Le prêtre a toujours le désir de faire entendre la petite musique de la vie plus forte que la mort. Là où tout nous plombe, là où le moral est définitivement en berne, le prêtre montre le Christ ressuscité : « Pssst, regardez ! Il a fait la tombe buissonnière, comme chantait Brassens ! Nouvelle inouïe, spécifique au christianisme : l’un de nous s’est échappé, un homme est passé au-delà, s’est relevé, a vaincu la mort ! Il peut nous entraîner à sa suite ! Pâques, c’est le prototype de notre résurrection. » Cette annonce de la Résurrection est nécessairement, intrinsèquement, collective. Relisez les récits de Pâques, du tombeau vide aux apparitions du Ressuscité ! Pour être crédible, diffusé, annoncé, cru… le témoignage chrétien s’écrit toujours au pluriel. Notre Eglise doit suivre ce chemin : c’est toujours en équipe, équipe funérailles, coopération prêtre-laïcs, etc…, que nous pourrons témoigner. Avec vous tous, le prêtre aidera les gens présents aux funérailles à chercher comment croire, que croire, qui croire… Parce que le Fils de Dieu est ressuscité… Pour que ce soit la vie qui gagne, même au coeur de nos existences tragiques.

PARTENAIRES

Les équipes funérailles sont irremplaçables: pour rencontrer les familles, recueillir les moments importants, le récit de vie, l’oeuvre de Dieu dans l’existence du défunt, pour préparer le déroulement avec la famille, pour animer la célébration (que le prêtre ou le diacre préside s’il vient), pour aider la famille à élaborer sa participation, ses prises de parole, pour accompagner au cimetière, pour refaire une visite quelques semaines après… Le prêtre faisant tout tout seul ne signifierait pas l’Eglise, mais une sorte de pyramide cléricale oppressante, une sorte de sacré distant… Mais une Eglise sans prêtre ne signifierait pas le Christ, parce qu’elle ne renverrait qu’à elle-même. Or l’altérité est le mode que choisit Dieu pour se révéler. Le nom de Dieu remet de l’ «autre», du neuf, dans nos raisonnements et fonctionnements fermés. Michel de Certeau disait : « Le nom de Dieu réintroduit sans cesse de l’autre sur les rivages de la conscience. » La question nous est sans cesse murmurée au secret du coeur : « Et les autres ? Et le Tout-Autre ? » (…)

sans-titre-1

Ce mardi 11 octobre, nous étions plus de 500 personnes ayant répondu à l’invitation de notre Evêque : beau témoignage de l’engagement des membres des équipes funérailles de notre diocèse. Christian de Cacqueray (du service catholique des funérailles) nous a fait part de son expérience et de ses réflexions. J’ai retenu, entre autres, la distinction entre la mortrupture et la mort-croissance, cette dernière nous permettant de grandir dès ici-bas. St François d’Assise nous propose ce chemin dans sa prière de louange « Loué sois-tu, mon Seigneur, par soeur notre mort corporelle, à laquelle nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels. Heureux ceux qu’elle trouvera dans tes très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal. » Sachons nous laisser rejoindre par cette étonnante confiance et sérénité dans l’attente de cette rencontre. Nous sommes appelés à vivre tous les jours de cette mort-transformation. Essayons de replacer la mort dans notre vie et de laisser s’épanouir tous les beaux fruits de vie, cela se manifestera dans notre mission. Et comme nous l’a redit notre Evêque, vivons une finitude heureuse!

HÉLÈNE DAILLEZ MEMBRE D’UNE ÉQUIPE
D’ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES EN DEUIL

Au nom de Jésus Christ, nous voulons dire aux personnes présentes que l’espérance et la force du Ressuscité est aussi pour eux dès maintenant.