La cathédrale de Reims incendiée

19 septembre 1914 : Notre-Dame de Reims, la cathédrale du sacre des rois de France, connaît les outrages d’un déluge de feu. Bombardée, incendiée et pillée, elle devient l’emblème d’un patrimoine religieux et culturel dévasté par cette guerre sans précédent.

L’armée allemande est aux portes de Reims en un mois et le 4 septembre, la ville est bombardée pour la première fois de 182 obus. Quatre d’entre eux s’abattent sur les environs immédiats de la cathédrale sans dégâts majeurs. Durant la courte occupation allemande, la cathédrale devient un abri pour blessé : quinze mille bottes de paille remplacent les chaises dans la nef. Le 10 septembre, l’armée française rentre dans Reims mais ne parvient pas à reprendre la ceinture de fortifications tenue par l’ennemi. Commence alors, le 14, une interminable série de bombardements qui ne connaîtra que peu de répit jusqu’à la fin de la guerre.

Le 16, l’armée française fait installer dans la cathédrale la centaine de blessés allemands dispersés dans les hôpitaux. Pourtant leur présence ne suffit pas à la protéger des obu : les 17 et 18, seize tirs l’atteignent directement, faisant plusieurs victimes. Les bombardements reprennent le 19 dès 7 heures, à un rythme soutenu. Le préfet de la Marne écrit que la cathédrale paraît bien être l’objectif visé.

Vers 15 heures, un obus traverse l’échafaudage en bois de treize étages qui entoure la tour nord alors en travaux. Le feu se propage rapidement et sous l’effet de la chaleur, la moitié de la grande rose éclate. Les flammèches gagnent l’intérieur. Les secours sont impuissant : le dépôt de pompes le plus proche a été détruit et les incendies font rage partout dans la ville, faisant éclater les conduites d’eau.

Une demi-heure plus tard, la toiture s’embrase. Les plaques de plomb qui la recouvrent fondent en ruisseaux par les gargouilles, dans un dégagement de terrifiantes fumées jaunâtres. Vers 17 heures, Notre-Dame de Reims n’est qu’un immense brasier. Un aviateur français qui la survole décrira une « énorme croix ardente dans une auréole flamboyante, croix de martyre et d’espérance ». En une heure et demie, le clergé sauve les objets liturgiques, le trésor et les blessés allemands que la foule menace de lyncher.

UN SYMBOLE DE PAIX ET DE RÉCONCILIATION ENTRE LES PEUPLE

Repris par la propagande française et amplifié par des journalistes et des poètes inspirés, le martyre de Reims devient un vecteur de communication efficace en direction des nations encore indécises dans le conflit. Malgré un retentissement international considérable, la protection de la cathédrale repose sur peu d’hommes et l’administration des Beaux-Arts tarde à réagir. L’archiprêtre, l’archevêque et le maire de Reims se battent aux côtés de deux architectes des Monuments historiques qui risquent leur vie pour protéger et sécuriser l’édifice meurtri.

La tâche est d’autant plus rude que les bombardements reprennent. Les voûtes sont percées en février 1915 et les intempéries aggravent insidieusement les dégâts précédents. De nouveaux obus pleuvent en 1917 et plus encore au printemps 1918. La cathédrale aurait reçu pas moins de 287 projectiles de tout calibre. Au sortir de la guerre, si la cathédrale de Reims n’est pas « entièrement détruite » comme le clame Le Matin, sa structure est fortement ébranlée et le chantier de restauration est un défi colossal que relève l’architecte Henri Deneux, avec le concours de fonds publics et de célèbres mécènes comme Rockefeller. Qualifié en 1914 « d’atroce infamie » par le Times, le martyre de Reims devient de nombreuses années plus tard symbole de paix et de réconciliation entre les peuple : c’est à Notre-Dame de Reims en effet que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer scellent en 1962 la réconciliation franco-allemande.

LOUISE DESSAIVRE,
MEMBRE DES AMIS DE LA CATHÉDRALE D’AMIENS