Homélie de Mgr Leborgne pour la fête de la Pentecôte

Cette semaine, je rencontrais un groupe de jeunes que je confirmerai début juin. L’une des premières questions qui m’a été posée ne cesse depuis de me poursuivre. Une jeune fille me demandait : « mais avec la persécution des chrétiens d’Orient, est-ce que vous ne doutez pas de l’amour de Dieu ? »

Nous avons pris le temps d’un grave et bel échange. Nous avons évoqué leur insupportable situation, leurs souffrances et le drame que représente leur départ de leur terre, pour eux-mêmes et pour le Moyen Orient. Nous avons évoqué aussi le scandale du mal et de la violence pour en arriver à parler du fait que liberté rime avec responsabilité. Comme le dit une petite histoire, « Dieu a créé l’arbre, l’homme en a fait une table pour partager avec ses voisins et une massue pour lui taper dessus. Que choisirons-nous ? » Être disciple du Christ ne préserve pas des aléas de la vie qui parfois sont d’une telle douleur. L’Esprit vient juste – je dis juste, mais ceux qui en font l’expérience me disent souvent que c’est tout ! – inscrire au plus intime de la chair, de la vie, cette grâce de la résurrection, cette grâce de la présence en personne de la miséricorde. Et voilà que ce qui ne change apparemment rien change en fait absolument tout.

Si je vous raconte cela, c’est qu’il me semble que la situation des chrétiens d’Orient et les questions qu’elle pose éclairent d’une lumière particulière la fête de la Pentecôte.

Jésus, dans le passage d’Évangile que nous venons d’entendre, disait : « Quand viendra le Défenseur que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage… »
L’Esprit de Pentecôte est l’Esprit du témoignage. Cela veut dire deux choses :

D’abord, il est Celui qui rend témoignage en faveur de Jésus. Il est Celui qui ne cessera de nous faire grandir dans l’union à Jésus, de « nous conduire à la vérité toute entière » que Lui seul est. Il est l’Esprit qui veut nous ouvrir chaque jour davantage à cet amour fou de Dieu qui ne demande qu’à nous inonder, nous remplir, nous combler. Il rendra sans cesse témoignage en nous de la vie qu’est le Christ. « Source jaillissant en vie éternelle », dit Jésus lors de la rencontre avec la Samaritaine. Feu d’amour qui veut nous embraser. Frères et Sœurs, invoquez l’Esprit. Ne cessez pas de le faire. Lui seul peut vous planter et vous enraciner en Jésus, le ressuscité. Invoquez l’Esprit, cela peut se faire à tout moment et en tout lieu. « Puisque l’Esprit est votre vie, disait Saint Paul dans la deuxième lecture, laissez-vous conduire par l’Esprit. »

Mais celui qui rend témoignage au plus intime de vous-mêmes en faveur de Jésus est alors Celui qui vous entraine dans ce témoignage : « Et vous aussi vous allez rendre témoignage. » Ce qui nous est donné aujourd’hui ne peut s’épanouir en nous que pour autant que nous oserons en rendre témoignage.
Ce sera pour tous et toujours le témoignage de la miséricorde : Saint Paul, dans la deuxième lecture, disait : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maitrise de soi. » La miséricorde se joue dans les plus petits gestes, et elle est possible en tous lieux, aussi bien dans la vie familiale que professionnelle, ecclésiale que politique. Ce regard qui considère la personne même si nous sommes dans une relation tendue, cette parole ferme qui pourtant refuse de céder à la violence. C’est déjà le témoignage de la miséricorde. Engageons-nous là où nous sommes sans regarder ni attendre ce que font les autres. C’est déjà le témoignage de l’Esprit.

Ce témoignage de la miséricorde qui passe d’abord par les actes, demande aussi parfois l’audace de la parole. Pas toujours, mais sans doute beaucoup plus souvent que nous ne l’osons. Comment pourrions-nous être embrasés par l’amour sans désirer non seulement le partager mais en dire la source ? Parce que quand on en sait la source, l’Esprit qui témoigne de Jésus et qui nous entraine dans son témoignage, il y a comme un souffle, une joie, une énergie insoupçonnée qui jaillit en nous.

L’Esprit de Pentecôte est donc l’Esprit qui fait les témoins. Vous le comprenez, c’est l’Esprit de la joie inépuisable mais pas un esprit de tout repos. Quand on commence à oser vivre et dire la miséricorde, on ouvre des chemins de vie, mais alors immanquablement même sans en avoir conscience, on dévoile des complicités de mort. Quand on cherche la vérité, alors immanquablement on met en lumière, le plus souvent sans s’en rendre compte, les lieux de mensonge. Alors le témoignage de l’Esprit non seulement n’est pas accueilli, mais peut déchainer de la violence. C’est ce qui est arrivé à Jésus. Et depuis, à tant et tant de ses témoins.
Le témoignage auquel nous entraine l’Esprit Saint n’est donc pas sans risque. Vous savez peut être que le mot de témoin, en grec – cette langue dans laquelle a été écrit le Nouveau Testament – se dit martyr. Le témoignage de l’Esprit mène ainsi parfois à ce que vivent les chrétiens d’Orient.

Peut-être avons-nous rêvé d’un « soft christianisme du développement personnel » ? L’Esprit de Pentecôte, tout en étant l’acteur par excellence de notre développement personnel, ne nous conduit pas du tout de ce côté-là. Peut-être aussi avons-nous confondu miséricorde, témoignage de l’Évangile et consensus mou ? L’Esprit de Pentecôte nous provoque au témoignage de la vérité, de la fraternité et de la vie, jusque-là où cela n’est pas reçu. Je disais récemment aux curés et coordinateurs des ECP( équipes de conduite pastorale) du diocèse que je ne leur demandais pas d’abord de faire plaisir à ceux qu’ils servent, mais de les aimer. Nous le savons, si l’un n’est pas exclusif de l’autre, l’un ne se réduit pas à l’autre.

Merci d’oser l’Esprit Saint ! Ce feu que le Seigneur veut faire prendre en vous. Ce feu de la miséricorde et du témoignage, qu’il devienne contagieux à toute l’Église pour qu’elle en devienne toujours plus signe au cœur du monde.

Hier, je confirmais dans la cathédrale 127 jeunes et adultes. Quel cadeau de Dieu pour notre Église. Tous m’ont écrit une lettre. Je voudrais vous en citer deux passages.

Jésus disait donc : « « Quand viendra le Défenseur que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage… »

Un ou une confirmée écrivait : J’ai reçu le plus beau cadeau qu’il soit donné de recevoir : la foi. Elle a tout simplement donné un sens à ma vie. Je n’imagine plus une vie sans Dieu, j’ai la sensation que l’Esprit Saint me précède à chacun de mes pas, il est devenu un ami, un soutien, une force.
Ma rencontre avec Dieu a été le plus beau cadeau qu’il m’a été donné de recevoir et je le souhaite à tout le monde, j’ai envie de crier sur tous les toits le bonheur de cette rencontre, la joie de se sentir aimée et soutenue quoiqu’il arrive.
Voilà comment l’Esprit a rendu témoignage en faveur de Jésus dans sa vie.

Et un ou une autre m’écrivait : Je ne demande qu’à suivre Jésus dans sa mission qui devient la mienne. Je veux distribuer, dispenser l’Amour qui est en moi à tous et à chacun sans condition ! J’ai laissé Dieu m’aimer, et il m’a donné la Vie, « la Vie en abondance ».
Voilà donc qu’il ou elle comprenait que par l’Esprit qui rend témoignage, il ou elle est entrainé(e) à suivre Jésus pour témoigner avec Lui de l’Amour du Père, et donc avec Lui à offrir sa vie.
Dans le passage des Actes des Apôtres que nous avons entendu, Saint Luc conclut la manifestation de l’Esprit de Pentecôte en disant : « Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint, … et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit ». Que l’Esprit vous remplisse, et qu’il soit béni !

+ Olivier Leborgne, Évêque d’Amiens

MGR Olivier Leborgne

Merci d’oser l’Esprit Saint ! Ce feu que le Seigneur veut faire prendre en vous. Ce feu de la miséricorde et du témoignage, qu’il devienne contagieux à toute l’Église pour qu’elle en devienne toujours plus signe au cœur du monde.