Homélie et photos de la Messe Chrismale

Retour sur la messe chrismale présidée  par Mgr Olivier LEBORGNE  mardi 27 mars à la Cathédrale d’Amiens.
Retrouvez l’homélie et les photos de la célébration.

Depuis la dernière fête de la St Firmin, le diocèse est entré en synode. Nous voilà rassemblés pour la messe chrismale alors que, dans cette aventure, nous sommes d’une certaine manière au milieu du gué. Les équipes synodales se sont réunies – plus de 650. Elles ont élaboré plus de 630 propositions que le secrétariat du synode a rassemblé pour constituer le cahier synodal que je remettrai aux 230 délégués synodaux le 15 avril prochain, dans cette même cathédrale. Ce sera leur instrument de travail en vue de l’assemblée synodale. Ensemble, ils prieront, échangeront, rassembleront, approfondiront, élagueront, enrichiront, mélangeront, ouvriront peut-être de nouveaux espaces, avant de me remettre, des propositions pour le diocèse au nom de tous. Le travail de l’Esprit a commencé. Il se poursuivra lors de l’assemblée synodale. Et dans le discernement de votre évêque en vue de décisions que je promulguerai, à la prochaine fête de la St Firmin, le 30 septembre prochain.

Nul ne peut présumer de ce qui me sera remis, ni de la manière dont l’assemblée synodale se laissera travailler par l’Esprit Saint pour aller au bout de la question posée : « L’Évangile a de l’avenir dans la Somme, bon maître, que nous faut-il faire ? »

Pourtant une chose est déjà acquise : beaucoup de ceux qui se sont engagés dans une équipe synodale ont vécu une expérience extraordinaire, une expérience de fraternité inattendue. Ils se connaissaient depuis longtemps ou pas, ils se savaient très différents – et le craignaient un peu – ou pensaient ne plus avoir grand-chose à découvrir les uns des autres, ils étaient très pratiquants ou très « pas pratiquants ». Plusieurs m’ont dit l’émerveillement – indépendamment même d’une proposition pas toujours simple à élaborer – de ce qu’ils avaient vécu, la joie de s’être découverts ou redécouverts dans une profondeur qu’ils ne pensaient pas pouvoir atteindre. Quelque chose de simple et lumineux. Peut-être quelque chose de la fraternité dont parle l’Écriture, qu’on aimerait tant vivre mais que, pour de multiples raisons, on ne sait pas toujours comment vivre.

Le premier acquis du synode est ainsi, me semble-t-il, la fraternité évangélique dans laquelle le Seigneur veut nous relancer. C’est plus que jamais d’actualité. Notre société est très éprouvée dans son désir de fraternité et se demande si cela est possible – l’actualité vient de nous le rappeler crument. Nous-mêmes, dans nos histoires et nos communautés chrétiennes, s’il nous arrive de vivre de beaux moments fraternels, il y a des moments plus difficiles. Qui d’entre nous n’en a pas l’expérience ?

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a consacré par l’onction » déclarait Jésus il y a quelques instants en reprenant à son compte des paroles rapportées par le prophète Isaïe. Et il précisait qu’elles s’accomplissaient « aujourd’hui », c’est-à-dire tant ce jour là à Nazareth que dans l’éternel aujourd’hui de son intimité avec le Père. Dans quelques instants, je bénirai les saintes huiles. Parmi elles, le saint chrême qui sert pour le baptême, la confirmation et l’ordination. Par le baptême et la confirmation, Jésus nous fait participer à cette onction. Par lui, avec lui et en lui, nous devenons fils et filles du Père. Par l’Esprit, Dieu nous fait frères et sœurs du Fils unique, et nous devenons réellement frères et sœurs les uns des autres.

Notre baptême crée vraiment cette fraternité nouvelle. Non pas exclusive, mais signe de l’appel pour tout être humain à en vivre.

La fraternité est l’une des signatures de l’Évangile et du travail de l’Esprit. Par l’onction baptismale, l’Esprit comme amour du Père et du Fils, l’Esprit comme Dieu miséricorde toujours en excès, l’Esprit comme l’éternel donner, recevoir et partager qui fait la nature même du Dieu unique, vient sur nous pour, dans son éternel jaillissement qui ne peut que nous déborder, faire en nous sa demeure.

Le synode, c’est son premier acquis, nous a renouvelé dans ce désir de fraternité. Nous savons combien la fraternité est missionnaire. Plusieurs catéchumènes – je salue ceux qui sont présents parmi nous, ils seront 43 adultes à être baptisés dans le diocèse lors de la vigile pascale – m’ont dit avoir trouvé dans leur communauté comme une nouvelle famille. Ils ont fait l’expérience d’une fraternité nouvelle. J’en suis toujours très impressionné, moi qui me sens si peu à hauteur d’Évangile et de fraternité. Mais voilà ce que peut faire le Seigneur de l’univers, au cœur même de nos fragilités. Alors n’ayons pas peurs de nos manques mais centrons-nous sur le Christ, sauveur de notre désir de fraternité, et plénitude de ce désir.  Il est l’unique frère universel qui peut guérir en nous la source de la violence et nous faire naître à la véritable fraternité.

La fraternité est un don du Père, qui appelle toujours de notre part des décisions concrètes pour se déployer. A partir de l’expérience des équipes synodales, je voudrais souligner quelques attitudes qui peuvent nous aider à nous y ouvrir.

Nous avons d’abord pris le temps. La fraternité demande du temps. Elle n’aime pas perdre son temps, mais elle ne se laisse pas piéger par le paradigme immédiateté-efficacité qui semble parfois régir notre monde et ses relations. Décider de prendre du temps, entre baptisés, entre prêtres, tous ensemble.

Ensuite, nous avons échangé. Pas seulement discuté, mais échangé. Le parcours proposé nous a aidé à dépasser une certaine mondanité ou une réelle pudeur pour simplement être nous-même, oser dire je, et prendre le temps de l’écoute profonde. Décentrés de nous-mêmes, libérés d’une compétition que nourrit parfois l’orgueil, comme désintoxiqués de ce mortel « moi-avant-tout », nous avons fait aussi une expérience de gratuité.

Au cœur de ces échanges nous avons accueilli la Parole de Dieu. Plus que de l’expliquer, nous l’avons priée et laissée résonner. Nous avons eu alors la surprise de constater que la Parole nous a donné la parole, dans une profondeur insoupçonnée. Et que dans ces paroles échangées, comme pour les disciples d’Emmaüs, quelque chose de l’unique Parole qu’est le Fils s’est révélé. « Notre cœur n’était il pas tout brûlant alors que [sans que nous en ayons conscience], il nous expliquait les Écritures.

Nous avons fait aussi une expérience de parité. Nous étions à parité. Il n’y avait pas ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Mais nous étions là, cherchant ensemble, marchant ensemble.

Cette fraternité n’a pas tout réglé. Il n’a pas toujours été simple de discerner une priorité, de définir une proposition commune. Nous avons tâtonné, et nous l’avons accepté. Fraternellement.

Ingrédients de fraternité…

Premiers acquis du synode, indication décisive pour l’avenir. Il nous faudra trouver des moyens pour vivre cette fraternité à taille humaine et divine, tant dans la proximité de quelques relations que dans l’animation de nos communautés paroissiales. L’assemblée synodale y travaillera pour sa part. chacun de nous est appeler à s’y engager concrètement, à choisir l’un de ces ingrédients. Ou un autre. Ce sont ces décisions, anodines parfois, onéreuses d’autres fois, qui en fait sont capitales.

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a consacré par l’onction » disait Jésus, en précisant que cela s’accomplissait aujourd’hui, cet « aujourd’hui » de la synagogue de Nazareth, cet éternel aujourd’hui de son intimité avec le Père dans l’Esprit, source de toute fraternité. Dans quelques minutes, je bénirai l’huile d’onction. Que le Seigneur soit béni !

 

+ O.LEBORGNE

Dans quelques instants, je bénirai les saintes huiles. Parmi elles, le saint chrême qui sert pour le baptême, la confirmation et l’ordination. Par le baptême et la confirmation, Jésus nous fait participer à cette onction. Par lui, avec lui et en lui, nous devenons fils et filles du Père. Par l’Esprit, Dieu nous fait frères et sœurs du Fils unique, et nous devenons réellement frères et sœurs les uns des autres.