Voeux de Mgr Olivier LEBORGNE

Monseigneur Olivier LEBORGNE présentait ses vœux pour l’année 2018 ce vendredi 12 janvier à la Maison diocésaine Saint-François de Sales à Amiens

Chers amis,

Voici donc la traditionnelle cérémonie des vœux. Elle peut paraitre un peu formelle. Pourtant, en cédant à cette tradition, je me disais qu’elle était l’occasion de faire mémoire et de rendre grâce.

Faire mémoire de ce que nous avons vécu ensemble, et rendre grâce pour ce que Dieu nous y a donné. Et le premier don que Dieu me fait, c’est vous. Permettez-moi ainsi de commencer par rendre grâce pour chacun d’entre vous. Cela ne veut pas dire que tout est toujours facile, cela ne veut pas dire que je suis toujours facile, mais toute rencontre est l’occasion d’une venue de Dieu et tout visage renvoie à l’intime de la personne, à la vérité de ce qu’elle est au-delà des apparences et des blessures, et à la vérité de ce à quoi nous sommes appelés ensemble. Cela peut être compliqué à repérer et discerner, cela ne se fait pas parfois sans désaccords et incompréhensions, mais cela résonne toujours comme un appel d’à-venir. Alors, oui, je rends grâce pour chacun d’entre vous.

Pour vous présenter mes vœux, je voudrais m’appuyer sur une très belle rencontre que j’ai vécu fin novembre. Avec l’association « chrétiens en forum », nous organisons tous les ans une rencontre à destination des élus de la Somme pour réfléchir ensemble à une question qui se pose à eux. Le thème de cette année était : « faire bien avec moins ». C’est une problématique forte pour les élus. C’est une problématique d’actualité pour un évêque et des responsables pastoraux.

Vous avez bien noté que le titre ne dit pas « faire mieux » mais « faire bien avec moins ». Il ne s’agit pas de faire toujours plus, de nous lancer dans une logique cumulative élitiste souvent inhumaine et culpabilisatrice. Il s’agit de « faire bien ». Je pense à Jésus dont St Marc – nous marcherons toute cette année avec son évangile – nous dit à plusieurs reprises, qu’ « il passait en faisant le bien ».

« Faire bien avec moins ». Il y a un beau réalisme dans cette formule. Mais je ne la crois ni pessimiste ni dépressive. Au contraire.

Faire bien. Il s’agit de chercher au quotidien, dans nos plus petits actes et paroles, ce qui est bon, ce qui fait du bien – ce qui peut faire plaisir mais peut aussi déplaire… il nous arrive d’être enfermés dans ce qui ne fait pas de bien, merci aux prophètes qui viennent nous réveiller -. Je vous souhaite d’être des hommes et des femmes de bénédiction.

J’entends aussi dans ce bien que nous voulons faire la visée du bien commun. Non seulement de l’intérêt général qui risque trop rapidement de faire l’économie des minorités marginales, mais le bien commun. C’est-à-dire le bien de la communauté humaine par le bien de tous et de chacun. Pour pouvoir en prendre le chemin, le bien commun met toujours au centre les plus petits, les plus pauvres, et les plus démunis. Non pas contre les autres. Mais pour tous. En mettant les plus pauvres au centre nous rejoindrons toutes les personnes : les pauvres nous révèlent à nous-mêmes et nous ouvrent les uns aux autres. Si nous ne commençons pas par eux, l’expérience montre qu’ils sont oubliés.

Dans cette visée du bien commun, cette année 2018 ne sera pas sans nous confronter à de graves questions et sans nous engager dans de vrais débats. Je veux évoquer la réalité des migrants. Elle renvoie à des questions complexes. La politique migratoire ne se joue pas que dans l’accueil de ceux qui arrivent chez nous, mais aussi et peut-être plus encore, dans une véritable politique de coopération internationale. De ce point de vue-là, le compte n’y est évidemment pas. Et n’y sera pas tant que nous pensons que cela pourrait se faire sans impacter nos relations internationales, politiques, environnementales et politiques, et notre manière de vivre. Mais quand des hommes et des femmes sont là, nous ne pouvons pas ne pas rappeler leur dignité inaliénable. Il serait insupportable de faire un tri de dignité. C’est pourquoi l’Église de France demande à ce que les lieux d’hébergement d’urgence soient sanctuarisés, comme les écoles ou les églises.

Un autre débat nous sera proposé touchant aux questions de bioéthique. L’État veut organiser un grand débat national. Nous y participerons. Nous prendrons des initiatives dans la Somme pour aider tous ceux qui le désirent à y participer. L’anthropologie chrétienne est une ressource extraordinaire pour tous. Elle n’est pas communautariste ou partisane. Et le bon sens doit pouvoir retrouver sa place. Sans pouvoir approfondir la réflexion ici, je voudrais juste témoigner de ce que je n’ai jamais entendu une femme enceinte dire : « j’attends un embryon », mais bien « j’attends un enfant. »

« Faire bien avec moins… » Ceux qui ont lu Saint Augustin savent que dans une certaine tradition philosophique, le Bien suprême est Dieu lui-même. Ici, je voudrais évoquer le synode diocésain qui marque notre année pastorale. Les échos que j’en ai me réjouissent. Certains sont émerveillés de ce que cela permet, d’autre plus frileux. Et c’est normal. Mais quelle expérience pour ceux qui la vivent !  « L’Évangile a de l’avenir dans la Somme, Bon Maître, que nous faut-il faire ? » Seigneur, quel bien nous invites-tu à mettre en œuvre dans notre diocèse ? Je voudrais insister sur deux points :

Tout d’abord, la deuxième lecture du premier dimanche de l’Avent nous rappelait par la bouche de l’Apôtre Paul quelque chose qui décrit profondément mon état d’esprit et que je désire vous partager. L’apôtre disait aux chrétiens de Corinthe : « aucun don de Dieu ne vous manque. » Chers amis, pour la vie de notre diocèse et son avenir, aucun don de Dieu ne nous manque. Le Seigneur ne donne pas moins qu’hier. Il donne autrement. Bien-sûr il nous faut prendre le temps de reconnaitre ces dons, de les nommer, d’en prendre soin, de les articuler ensemble, de leurs permettre de se déployer. Il faut que nous nous aidions à comprendre que nous sommes ces dons que Dieu fait à la Somme, et que nous acceptions d’être donnés. Mais vraiment aucun don de Dieu ne nous manque. Il y a là une source de liberté, de confiance et de dynamisme que je désire vraiment partager avec vous.

Ensuite, je voudrais vous faire part d’une réflexion d’un philosophe, Patrick Viveret, qui a ouvert la matinée de rencontre que j’évoquais avec les élus. Il réfléchissait au rapport pouvoir – créativité. Il notait qu’il y a deux approches possibles. Si on vit le pouvoir comme quelque chose à prendre, à garder et à conserver, alors on a peur de la créativité : elle est perçue comme contestation et danger ; la non maitrise déstabilise et toute nouveauté apparait vite comme jugement ou concurrence. Si on vit le pouvoir comme service du possible, comme cette autorité (étymologiquement : « faire grandir », « rendre auteur ») qui désire aider chacun à déployer ce qu’il peut, sa capacité de pouvoir, l’audace de « ce qui est possible », alors on n’a pas peur de la créativité. Au contraire, on la désire, on l’encourage, on la favorise et on s’en réjouit. La première vertu de celui qui exerce une responsabilité est le discernement, précisait le philosophe. Toute initiative ne concourt pas systématiquement au bien, et celui qui porte la responsabilité doit, dans certains cas, savoir trancher. Le pouvoir demande du courage. Mais plus encore de la confiance, de celle qui se réjouit des initiatives inattendues, de celle qui valorise les chemins nouveaux, de celle qui donne confiance et permet à chacun de se sentir acteur de l’avenir.

Le synode, à travers les équipes synodales et l’assemblée qui aura lieu à l’Ascension, va faire des propositions pour le diocèse. Elles m’aideront à prendre et promulguer des décisions pour les années à venir.

Mais n’attendez surtout pas qu’il verrouille tout. Ce que je désire vraiment, c’est qu’il stimule en nous la créativité, qu’il déverrouille en nous ce qui nous empêche d’oser. Comme le disait le pape François, « je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. » (La joie de l’Évangile, n° 49).

Vous le comprenez, je vous souhaite finalement une année « d’intranquillité » : que les rencontres et projets que vous vivrez, que le synode dans lequel nous sommes engagés, que notre désir de nous ouvrir chaque jour davantage à l’Esprit nous déstabilise du côté de la vie, de l’espérance, de la paix, de la solidarité, de l’attention aux plus pauvres, et de la joie.

Bonne année à tous !

Voeux en vidéo

Vous le comprenez, je vous souhaite finalement une année « d’intranquillité » : que les rencontres et projets que vous vivrez, que le synode dans lequel nous sommes engagés, que notre désir de nous ouvrir chaque jour davantage à l’Esprit nous déstabilise du côté de la vie, de l’espérance, de la paix, de la solidarité, de l’attention aux plus pauvres, et de la joie.