Le voleur passera t-il ?

Le voleur passera-t-il ?

Dans son exhortation apostolique La Joie de l’Évangile, le Pape François utilise à plusieurs reprises l’expression : « ne nous laissons pas voler… » Que ce soit l’enthousiasme missionnaire (§ 80), la joie de l’évangélisation (§ 83), l’espérance (§ 86), la communauté (§ 92), l’Évangile (§ 97), l’idéal de l’amour fraternel (§ 101) ou encore la force missionnaire (§ 109), le pape nous met en garde : il s’agit de faire en sorte que nous ne nous les laissions pas voler !

L’expression est riche. Une telle mise en garde laisse entendre ou plutôt affirme clairement que nous les avons. En effet, comment pourrait-on nous voler ce que nous n’avons pas ? Le Saint Père nous remet devant une vérité fondamentale de la foi : en Christ, en qui « habite corporellement la plénitude de la divinité » (Col 2,9), le Père nous a tout donné. « Tout est à vous », déclare Saint Paul (1 Co 3,22).  L’Esprit Saint quant à lui ne cesse d’attester en nous ce don et de le faire vivre : « L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants et donc héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers avec le Christ… » (Rm 8,16-17). Et nous entendons le Père, dans la parabole du prodigue, nous dire : « tout ce qui est à moi est à toi » (Luc 15,31).

Oui, dans le Christ, le Père nous a tout donné. Absolument tout. Dans le Christ, le Père nous révèle son être : il est don, totalement don et absolument don. L’enthousiasme et la force missionnaire, l’Évangile et la joie de l’Évangélisation, l’espérance, la communauté et l’idéal missionnaire ne sont pas des choses à acquérir, mais des dons qui nous sont faits, des dons offerts qui ne demandent qu’à se déployer en nous et par nous. « Ne nous les laissons pas voler ! »

En cette fin d’année, alors que la fatigue peut se faire sentir, que la vigilance de la charité peut s’émousser, je voudrais attirer votre attention sur l’idéal de l’amour fraternel. Ne nous le laissons pas voler ! L’année a été pleine de beaux projets (merci, parmi tant d’autres, à tous ceux qui ont permis à l’année de l’Esprit Saint de se déployer avec autant de richesses). Elle a été aussi le lieu d’épreuves et de frustrations. C’est sans doute le lot de toute aventure humaine. Il est bon que nous puissions nous le dire parfois. N’oublions pas que la correction fraternelle est une des dimensions de l’authentique miséricorde. Mais il est important de bien discerner avant car tout n’en relève pas. Et avant de veiller à la conversion de l’autre, il est bon de ne pas oublier la sienne. N’ayons pas peur de dire à telle ou telle personne ce que nous croyons bon de lui dire, mais ne le lui disons pas en public au risque de l’écorcher injustement, ne le disons pas non plus à d’autres pour entretenir la rumeur ou la médisance sans jamais s’adresser à celui qui est concerné. Parce que nous manquons de confiance en nous-mêmes, il nous arrive aussi (sans en avoir toujours conscience) d’être suspicieux de ce que font les autres, d’être jaloux de leurs initiatives (comme si elles nous jugeaient) en leur reprochant éventuellement de marcher sur nos platebandes.

« Je désire demander spécialement aux chrétiens de toutes les communautés du monde un témoignage de communion fraternelle qui devienne attrayant et lumineux », écrit le Pape (La joie de l’Évangile, § 99), qui continue : « Attention à la tentation de l’envie ! Nous sommes dans la même barque et allons vers le même port ! Demandons la grâce de nous réjouir des fruits des autres, qui sont ceux de tous. »

Finalement, il n’y a rien de si grave que cela, pour autant que nous nous en rendions compte. Il y a une chose qui désarme absolument le voleur auquel fait allusion le Pape, c’est le pardon. La capacité de prendre l’initiative pour aller rencontrer le frère ou la sœur blessés et de lui demander pardon. N’ayez alors aucune inquiétude, le voleur ne passera pas !

 Que ce soit l’enthousiasme missionnaire, la joie de l’évangélisation , l’espérance , la communauté , l’Évangile , l’idéal de l’amour fraternel  ou encore la force missionnaire  le pape nous met en garde : il s’agit de faire en sorte que nous ne nous les laissions pas voler !