Retour sur les confirmations d’adultes

Sont-ils fous ? C’est une question que je me posais en pensant à vous ces derniers jours, à vous qui aujourd’hui êtes 123 adultes à demander le sacrement de la confirmation. Oui, permettez-moi de vous poser la question : êtes-vous fous ?

Frères, personne n’est capable de dire : « Jésus est Seigneur » sinon dans l’Esprit Saint, déclare saint Paul dans ce passage de la 1ère lettre aux Corinthiens que nous avons entendu en 2nde lecture.  L’Esprit a précédé votre confirmation. Parmi vous, 50 ont été baptisés à Pâques, et plus de 70 ayant été baptisés enfants ou jeunes, ont été saisis par l’Esprit ces dernières années. Tous, d’une manière ou d’une autre, parce que vous en avez fait l’expérience, vous avez dit de Jésus qu’il est Seigneur.

Ce n’est pas rien. Dire de Jésus qu’il est Seigneur, c’est accueillir la révélation que Jésus, cet homme Jésus qui a vécu en Palestine il y a 2000 ans, cet homme qui a communié aux attentes et aux épreuves de ce petit peuple d’une petite terre du bout de l’empire romain, cet homme-là est complètement Dieu. Non seulement, ce n’est pas rien, mais c’est absolument énorme. A vrai dire complètement fou. Dieu vient rencontrer l’homme, il veut le sauver, lui donner toute sa plénitude, pour que nous vivions nous ce qu’il vit lui. Dire que Jésus est Seigneur, c’est dire que Dieu n’est ni une belle idée, ni d’abord une doctrine ou une morale, mais qu’il est amour fou, cet amour fou qui a pris un visage et un nom, celui de Jésus mort et ressuscité pour nous, celui de Jésus Seigneur.

Oui, de cela, vous en faites l’expérience : vos lettres en témoignent – à l’occasion du deuil d’un proche ou de la traversée d’une grosse épreuve – j’en suis toujours très impressionné – à travers une préparation au mariage, au baptême de votre enfant ou en l’accompagnant au catéchisme, par une rencontre inattendue qui vous a ouvert un horizon déjà en vous mais qui attendait un déclic pour s’ouvrir, à travers la joie d’un amour, la douleur d’une épreuve, le relèvement d’une blessure où vous avez découvert que vous étiez pardonné au plus profond, ou l’inattendu d’un engagement ;  bref, vous avez fait cette expérience de Jésus Seigneur.

Pour reprendre l’expression des Actes des Apôtres que nous entendions en 1ère lecture, vous avez entendu dans votre propre langue – celle de votre vie et de votre histoire personnelle – chanter les merveilles de Dieu. Ces merveilles ne sont pas de vagues généralités, elles n’ont rien de magique -, elles sont bien plus profondes et elles se rassemblent dans cette amitié inouïe avec Jésus Seigneur.

Vous allez êtes confirmés par le Père dans le don de l’Esprit pour vous faire vivre de cette amitié avec le Fils éternel qui a pris chair de notre chair et qui est ressuscité. Vous comprenez la merveille. Vous comprenez l’immense. Votre identité fondamentale est bien plus profonde : vous êtes fils et filles du Père, confirmés par le don de l’Esprit dans la joie qu’il a de vous aimer. C’est votre identité. Il y a là quelque chose de fou aux yeux du monde. Avant d’être picard – même si nous sommes fiers de l’être – avant toute autre caractéristique, vous être fils t filles bien-aimés du Père… !

Oui, chacun dans votre propre langue, vous avez entendu et vous continuerez à déchiffrer les merveilles de Dieu dans votre vie et dans la vie du monde. Car quand on approfondit cette amitié, quand on y accueille les dons de l’Esprit comme nous l’avons fait cette semaine en diocèse, on découvre progressivement les multiples signes que Dieu nous fait au quotidien et les appels que l’Esprit nous lance.

Et alors cette confirmation dans l’amour du Père ne peut que déborder en nous et de nous vers les autres. Si vous priez attentivement le récit de la Pentecôte (1ère lecture), vous ne pourrez qu’être frappés par le fait que le « pour tous » ne cesse d’appeler un « pour chacun », et vice versa. Il y a un « pour tous » parce qu’il y a un « pour chacun ». Et ce « pour chacun » s’appuie sur le « pour tous » et vient l’enrichir.

A chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien, déclare saint Paul dans la 2ème lecture que nous avons entendue. Frères et sœurs, le cadeau que le Seigneur vous fait ne peut pas ne pas déborder de vous. Avez-vous conscience de l’amour fou de Dieu pour vous, qui désire vous entrainer dans sa folie d’amour ? Ce que vous avez d’unique, ce que vous êtes est une richesse pour l’Église et pour le monde. Comme nous tous, vous n’aurez jamais fini de vous convertir et la sainteté restera toujours un chemin à prendre. Dans le même temps, vous apportez quelque chose d’unique à ce monde. Quelque chose de nouveau dont l’Église a besoin aujourd’hui pour être fidèle à sa mission au cœur du monde.

Je ne peux pas vous recevoir autrement que comme donnés par le Seigneur. Et chacun avec quelque chose d’unique pour manifester l’Esprit Saint aux yeux de tous.

Londres vient de connaitre un nouvel attentat. Tant d’autres dans le monde, en Égypte, en Syrie ou ailleurs. La réponse que l’Église peut offrir, ce n’est rien d’autre que la vie des baptisés confirmés qui se laisse entrainer sur les chemins de l’Esprit Saint pour être avec tous ceux qui le désirent, témoins et acteur de vérité et de miséricorde, de justice et de paix, de réconciliation et d’espérance.

Laissez-vous entrainer dans la folie de l’amour de Dieu : enracinez-vous dans cette amitié avec Jésus, laissez-vous faire par l’Esprit, aidez-nous à ne pas être trop sage. Car je crains parfois que nos communautés soient trop sages. Il leur manque ce grain d’audace, de folie (pas à la manière du monde mais à la manière de Dieu) qui est la signature de l’Esprit Saint. Le Seigneur nous fait cadeau de notre nouveauté. Accueillez l’expérience de ceux qui vous précèdent sur le chemin de la foi, appuyez-vous sur eux. Mais n’ayez pas peur de les bousculer selon ce que l’Esprit pourrait inspirer. Je compte sur vous !

Je me souviens de ce livre que j’ai lu, adolescent, quelques mois après ma confirmation. Son titre était : « J’ai choisi la folie car Dieu est amour fou. »

Décidément, je crois que vous êtes un peu fous. Je m’en réjouis profondément. C’est notre chance. C’est un cadeau du Seigneur. Qu’il soit béni !

+Olivier Leborgne

Laissez-vous entrainer dans la folie de l’amour de Dieu : enracinez-vous dans cette amitié avec Jésus, laissez-vous faire par l’Esprit, aidez-nous à ne pas être trop sage