Homélie de la célébration pour le père Hamel et les victimes des attentats

Monseigneur Olivier LEBORGNE a célébré  une messe à la Cathédrale d’Amiens ce Dimanche 31 juillet pour le Père Jacques HAMEL, prêtre du diocèse de Rouen assassiné ce mardi 26 juillet 2016 à Saint-Etienne du Rouvray et  les victimes « des attentats récents ».

1500 fidèles assistaient à cette célébration,  parmi eux une délégation des mosquées d’Amiens ainsi que de nombreux musulmans venus témoigner de leur solidarité. Beaucoup d’émotion et de nombreux témoignages de fraternité avec la volonté de tous de construire des ponts entre les communautés pour bâtir un monde de paix. A noter également la présence des représentants de la Communauté juive.

Dans son homélie, Monseigneur Olivier Leborgne souligne: La présence nombreuse de nos frères musulmans en est un signe fort ce matin. Je voudrais vous remercier profondément de vos nombreuses marques de soutien et d’amitié. Votre présence ici ce matin n’est pas seulement un acte religieux. Elle est aussi un acte politique qui dit clairement ce au service de quoi nous voulons nous mettre ensemble, à savoir la paix véritable et la fraternité.

« Vanité des vanités, disait l’Ecclésiaste, tout est vanité » (1ère lecture). La Bible laisse une place à la profonde lassitude. Peut-être, avec la peur et la colère, a-t-elle saisit bon nombre d’entre nous ? Quel sens ont nos efforts pour la paix, quels sens ont nos efforts pour essayer de construire cette fraternité revendiquée par la République française, quel sens à notre désir à nous chrétiens d’annoncer l’Evangile, cette « bonne nouvelle de la Paix », pour reprendre les mots de Saint Paul ?

Le père Hamel a donc été assassiné alors qu’il célébrait la messe. La communauté catholique est ici touchée en plein cœur. La messe pour nous n’est pas un rite parmi les rites. Elle est le lieu d’une rencontre. Elle est pour tout chrétien une source jaillissante où se réalise – est rendu réel et présent – le cœur de sa foi. Elle est le lieu d’un sacrifice, non pas celui commandité par quelques fous, mais d’un sacrum facere, d’un faire sacré qui en Jésus renonce à toute violence et se réalise dans le don que Dieu lui-même nous fait de sa vie. Le père Hamel a pendant plus de 60 ans offert chaque jour la messe, il s’est offert avec son Seigneur pour se donner avec lui par amour et pour aimer. C’est l’ambition de tout prêtre. C’est l’ambition que tout prêtre veut servir auprès de tous les baptisés. Nous ne savons pas quels ont été les derniers sentiments du père Hamel, mais au-delà de ses derniers instants, son être était profondément marqué par l’eucharistie qui le façonnait.

Alors si la communauté catholique est touchée en plein cœur – et elle l’est ; je voudrais dire ici ma communion avec la famille du père Hamel et les chrétiens du diocèse de Rouen, mais je pense aussi à tous les prêtres et notamment ceux que le Seigneur m’a donné comme premiers collaborateurs, les prêtres du diocèse d’Amiens -, si donc la communauté catholique est touchée en plein cœur, c’est du lieu même où le père Hamel a été assassiné qu’il nous faut réagir. C’est à travers l’eucharistie qu’il allait célébrer que nous devons regarder l’avenir, c’est dans le don de l’Innocent par excellence, le Christ lui-même qui se donne pour les justes et les injustes, pour les bons et les méchants, qu’il nous faut essayer d’ancrer notre réaction.

La colère et la peur sont légitimes. Et n’ayons peur ni de nos peurs ni de nos colères. Mais nous ne pouvons pas oublier l’une des principales leçons du Christ : la violence n’est jamais une réponse à la violence. Répondre à la violence par la violence, c’est engendrer toujours plus de violence. Bien sûr l’Etat doit assurer ses missions de sécurité et de défense. Notre prière va aussi vers tous ceux qui y sont engagés. Mais bâtir des murs et abattre des ponts ne construira jamais la paix. C’est d’ailleurs ce que voudrait Daesh à la logique duquel il ne faut pas que nous cédions. Daesh veut diviser, il veut que nous nous laissions piéger par la peur et le rejet du différent vite identifier au suspect et, petit à petit, monter des groupes de français et des groupes de croyants – à l’intérieur même de l’Islam d’ailleurs – les uns contre les autres. Les chrétiens ne peuvent pas céder à ce genre de mouvement. Ils ne le peuvent d’autant qu’ils savent que ce n’est pas l’Islam qui a assassiné le père Hamel mais bien quelques fous qui n’ont rien de religieux. La présence nombreuse de nos frères musulmans en est un signe fort ce matin. Je voudrais vous remercier profondément de vos nombreuses marques de soutien et d’amitié. Votre présence ici ce matin n’est pas seulement un acte religieux. Elle est aussi un acte politique qui dit clairement ce au service de quoi nous voulons nous mettre ensemble, à savoir la paix véritable et la fraternité. Le pape redisait aux jeunes à Cracovie dans le cadre des JMJ d’où je reviens que la miséricorde était la seule réponse crédible au mal. Il le redisait alors que 300 000 des jeunes présents – dont ceux de la Somme – et lui-même avaient visité les camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz Birkenau. La miséricorde serait donc la seule réponse crédible au mal ? La miséricorde n’est pas une mièvrerie affective et cocoonesque. La miséricorde est le nom jamais épuisé de Dieu lui-même et de son action telle qu’elle se révèle par excellence en Jésus-Christ. La miséricorde renvoie à la profondeur de l’être qui s’engage tout entier avec fidélité et détermination pour le bien des hommes en tant que personnes et pour la communauté entière dans son ensemble. La miséricorde qui touche à l’intime dans la rencontre de chacun avec son Seigneur a évidemment une dimension politique. Si elle exclut absolument la violence comme le Christ l’a absolument exclue, elle ne s’identifie pas avec la bêtise ! Elle trace son chemin dans la recherche de la vérité et l’exigence de la justice, qu’elle assume complétement comme des moments incontournables, tout en les dépassant.

Un chrétien syrien présent à Cracovie avec un groupe d’un diocèse français auquel je donnais une catéchèse vendredi matin m’a questionné sur l’attitude à avoir alors que certains au Moyen Orient guettent les chrétiens pour les éliminer – c’était l’expérience qu’il rapportait et qui faisait qu’il était maintenant réfugié en France. Je me suis senti tout petit pour lui répondre. La miséricorde exige la justice et la recherche de la vérité – et nous avons sans doute des questions à ne reposer tant en géopolitique et au sujet d’une mondialisation économique qui ne s’embarrasse guère de justice, que dans nos relations interpersonnelles – mais le fond et la source de la miséricorde et de l’attitude que les chrétiens voudraient vivre se trouve dans cette eucharistie qu’allait célébrer le père Hamel quand il a été assassiné : le don libre et total de soi pour servir la vie et la paix. C’est ainsi que, pour reprendre les mots de Jésus dans l’Evangile, nous deviendrons « riches en vue de Dieu. »

Que le Seigneur nous y aide, et qu’il soit béni.

Homélie de Mgr Olivier Leborgne – Cathédrale – 31-07-2016
Messe à l’intention du Père Hamel et des victimes des attentats récentes

MGR olivier leborgne