Parole de notre évêque: Portes ouvertes

Dans la cadre de l’année de la miséricorde, le Pape François a demandé que soient ouvertes dans les cathédrales et d’éventuelles autres églises des Portes Saintes. J’ai eu la joie d’ouvrir une Porte Sainte à la cathédrale le 8 décembre dernier. Et le dimanche 18 avril, j’ouvrais une deuxième Porte Sainte pour le diocèse en la basilique Notre Dame de Brebières à Albert.

De quoi s’agit-il ? Le rite peut paraître étrange… Nous le savons bien, il n’y a rien de magique dans un rite. Mais comme nous sommes des êtres de chair, des gestes symboliques nous permettent de signifier par des actes ce que les pensées ou les mots ne peuvent signifier à eux seuls.

Vivre le rite du passage de la Porte Sainte, c’est signifier de tout notre être que le passage vers la vie est le Christ, et qu’il n’y en a pas d’autre. « Je suis la porte » dit Jésus (Jn 10,9). Il est la porte vers le Père, vers l’unique source qui est notre accomplissement et notre plénitude.

Le Christ est la porte vers nous-mêmes. Lui seul nous réconcilie avec nous-mêmes. Il nous rend à nous-mêmes au cœur de nos contradictions, combats intérieurs et dispersions.

Le Christ est la porte vers autrui. En lui seul, dans le souffle de son Esprit, nous accueillons la juste attitude pour aller vers les autres, nous trouvons le juste chemin pour oser la relation, nous sons avec lui le don de nous-mêmes pour aimer l’autre en vérité, au-delà de nos difficultés d’aimer.

Le Christ est la porte vers la vie. Pas seulement vers la vie éternelle. Mais aussi et d’abord vers la vie quotidienne. Il l’a assumée par son incarnation et sauvée dans sa passion – résurrection. La porte de notre vie est le cœur du Christ, le foyer de la miséricorde du Père.

N’est-ce pas de cela dont le Saint Père a voulu témoigner en allant à la rencontre des migrants sur l’île de Lesbos ? Il n’a pas nié les contraintes des politiques et les peurs des populations européennes. Mais parce que le Christ est la porte par laquelle la miséricorde du Père a été déposée en nous par l’Esprit Saint, Il devient la porte par laquelle tous les hommes sont donnés les uns aux autres comme frères dans une dignité inaliénable. Il ne peut pas y avoir un discours pieux et émouvant d’un côté, et un discours politique de l’autre.

Le Christ est la Porte du Père et donc celle qui nous donne accès à nous-mêmes, à nos frères et au monde. Il est la Porte par laquelle la vie nous est donnée non pas comme survie mais comme promesse, exigeante mais réelle, il devient pour nous la porte de l’engagement social et politique. La conférence de Carême de Mgr Brunin sur « miséricorde et politique » a été de ce point de vue très instructive1.

Vivre le rite de la Porte Sainte, prendre une heure ou une après-midi pour vivre le parcours de la miséricorde tel qu’il est proposé tant à la cathédrale qu’à la basilique Notre Dame de Brebières, c’est prendre le risque de passer par le Christ vers la vie. Y associer, comme y invite la tradition de l’Église, la célébration du sacrement de réconciliation et s’ouvrir à la plénitude de l’indulgence du Père, c’est prendre le risque d’être renouvelé dans sa relation à soi-même, à autrui et au monde. Notre société qui n’aime pas le risque se laisse si souvent piéger par des addictions déshumanisantes. C’est le risque de la miséricorde et de l’espérance auquel nous sommes invités et à laquelle nous voulons l’inviter !

Prenons ce risque ! C’est à cette condition, et à cette condition seulement, que nous serons cette « Église en sortie » que le Pape appelle de ses vœux. Une Église aux portes ouvertes. Non dans l’idéologie d’une ouverture qui ne se décide que selon des critères mondains, mais dans le Souffle de Celui qui est l’unique porte parce qu’il est le don total de Dieu « pour nous et pour la multitude. »

+ OLIVIER LEBORGNE, ÉVÊQUE D’AMIENS

MGR Olivier Leborgne

1. Vous pouvez la retrouver sur le site internet du diocèse : www.catho80.com