La Grande Guerre dans le diocèse d’Amiens

À la veille de la déclaration de guerre

Printemps 1914 : Amiens vit encore dans l’ambiance de la Belle-Époque. Peuplée de 93 000 habitants, la cité industrieuse présente dans son centre un habitat hérité du Moyen Age et de l’époque moderne ; seuls les faubourgs offrent un urbanisme contem-porain où dominent les maisons de brique.

La ville est dominée de très haut par sa cathédrale, dont les travaux de restauration, commencés au milieu du XIXe siècle, viennent de s’achever. Le commerce et l’industrie des velours sont prospères. Les articles d’Amiens se vendent dans toute la France et bien au-delà. La municipalité étudie des projets d’embellissement et de modernisation de la ville : on élève dans chaque quartier des écoles communales et on parle de construire un nouveau théâtre municipal.

Le 28 avril 1914, la Société des Amis des cathédrales se réunit à Amiens et organise un grand concert à la cathédrale, suivi d’une conférence du R.P. Sertillanges consacrée au culte de la Vierge. Plusieurs centaines de personnes assistent à la visite conduite par Georges Durand, le grand historien de la cathédrale. L’après-midi, Mgr Dizien, évêque d’Amiens depuis 1896, préside le concert et donne le salut du Saint-Sacrement. Les œuvres de Bach, Bournonville, Schütz, Rameau, Franck et Palestrina résonnent pacifiquement sous les voûtes de l’auguste basilique.

Dans les premiers jours de mai des manoeuvres militaires se déroulent en Picardie sous la direction du général Joffre : 25 généraux et 230 officiers séjournent à Amiens et Péronne, sans soulever une grande curiosité parmi la population. Le 14 juillet, la Fête nationale est ponctuée des réjouissances rituelles : revue des troupes, spectacles gratuits. A la fin du mois se termine la traditionnelle foire de la Saint-Jean, installée de la place Longueville à l’esplanade Saint-Roch. A partir du 25 juillet l’on commence à percevoir les premiers signes d’inquiétude : la presse locale évoque le conflit austro-serbe qui inspire de vives préoccupations dans les milieux diplomatiques.

La cathédrale

2 août 1914 : la déclaration de guerre est imminente. La veille, le gouvernement a décidé la mobilisation générale. Mgr Dizien (1845-1915), déjà fatigué par la maladie, adresse solennellement une lettre circulaire au clergé et aux fidèles de son diocèse sur « le devoir des Catholiques pendant la guerre » qui sera lue en chaire dans toutes les églises et chapelles du diocèse le dimanche suivant. Les temps ne sont plus au conflit avec la république anticléricale. Devant le fléau de la guerre, « l’heure n’est point aux longs discours, mais à l’action », écrit-il. Alors que plus de deux cents prêtres du diocèse sont appelés sous les drapeaux, l’évêque d’Amiens appelle à prier pour tous ceux qui vont partir combattre pour la mère patrie. Il demande aux fidèles de servir la nation et de collaborer avec les pouvoirs publics : « le bien d’une nation est plus sacré que le bien d’un seul ». Il les exhorte à la charité, d’autant plus nécessaire que des temps de misères s’annoncent : « quand il s’agit de soulager des infortunes, les catholiques ont le devoir de se trouver au premier rang et de ne marchander à personne leur concours ». Mgr Dizien en appelle enfin aux associations catholiques afin qu’elles apportent leur concours dans les ambulances et les hôpitaux militaires. Les efforts de paix prodigués par l’Eglise n’ont malheureusement pu empêcher la catastrophe. La couverture de la semaine religieuse du diocèse d’Amiens, Le Dimanche, dessinée par Pierre Ansart (1873-1941) témoigne de cet esprit de paix : elle représente le Beau Dieu de la cathédrale d’Amiens prononçant les paroles Pax vobis (La paix soit avec vous). Le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

PAR AURÉLIEN ANDRÉ
ARCHIVISTE DU DIOCÈSE D’AMIENS

Exposition « La cathédrale dans la Grande Guerre »

Du 3 août 2014 au 28 juin 2019

La cathédrale accueillera une exposition de photographies, reproduites sur des panneaux de grand format qui seront posés sur les piliers, en respectant la chronologie des événements commémorés.

Pourquoi commémorer la Grande Guerre en Église ?

La question renvoie d’abord au souvenir d’un passé traumatisant, déjà lointain (un siècle) et pourtant si proche, même si les horreurs plus grandes encore du second conflit ont contribué à jeter un voile d’oubli sur 1914-1918. Nous avons tous connu des personnes qui ont vécu la Grande Guerre.

La sagesse d’un peuple dépend de son expérience. Le christianisme se fonde sur la mémoire (faire mémoire dans l’Eucharistie ; mémoire du Peuple de Dieu, qui est marque de fidélité). Ainsi, l’Église ne peut rester indifférente aux événements qui ont touché l’humanité. La mémoire de l’Église révèle la présence et l’action de Dieu en toutes circonstances, en transcendant le temps mais aussi en étant impliquée dans le temps des hommes.

Commémorer, c’est faire mémoire des sacrifices consentis par des peuples et les croyants ; de la foi des hommes : malgré l’horreur absolue de la guerre, des croyants sont restés fidèles à la foi et à leur baptême ; des engagements au nom de la foi : des figures de témoins (aumôniers…) C’est aussi s’interroger sur les vraies et les fausses vertus (le patriotisme dévié en nationalisme, le faux humanisme de la violence, la séparation entre guerre et morale), qui restent des questions très actuelles. Cette commémoration doit enfin ouvrir vers des engagements en faveur de la paix et de la réconciliation.

Oublier la guerre, c’est oublier ce qui a pu diviser, et donc ne pas être capable de la dépasser. Car le souvenir du conflit reste présent dans la mémoire longue et collective des peuples. Les chrétiens doivent aussi s’en souvenir.

Appel aux initiatives

Chaque paroisse du diocèse a subi la guerre, par la mobilisation de ses fidèles et de ses prêtres, par les pertes, par les destructions, par le passage des troupes étrangères. Ensemble, il convient de faire mémoire de ces épreuves, pour prendre la mesure des sacrifices, mais aussi de la réconciliation.

Les paroisses sont donc invitées à s’associer, chacune à leur manière, à cette mémoire qui nous relie aux autres, par un geste, un temps de prière, une petite exposition, une conférence, une mise en valeur du monument aux morts de l’église… N’hésitez pas à faire connaître vos initiatives et à vous appuyer, pour les réaliser, sur les archives diocésaines.

CONTACT

Aurélien André

E-mail : a.andre@somme.fr
Archives diocésaines
61 rue Saint-Fuscien  80000 Amiens

Pour une publication sur le site du diocèse

Nelly Berneaux

Responsable du site internet
E-mail : nberneaux@diocese-amiens.com