Homélie de la Messe Chrismale

Monseigneur Olivier LEBORGNE lors de la Messe Chrismale en l’Église Notre-Dame de DOULLENS ce mardi 11 avril 2017:

 

Dimanche dernier, je terminais ici même ma première visite pastorale de l’ensemble du diocèse. Commencée il y a presque deux ans dans le secteur de la Vallée d’Avre, elle s’est déployée entre paroisses, monde scolaire et mouvements, pour se conclure par la visite des paroisses St- Pierre et Saint- Paul. En repensant à l’ensemble du parcours, deux rencontres me reviennent à l’esprit.

La première est celle d’un maire. Nous étions dans l’un des territoires de la Somme qui a le plus souffert de récentes crises économiques et sociales. Alors que je venais de demander ce que les élus attendaient de la communauté chrétienne de leur territoire, la réponse a jaillit, claire et nette : « Qu’elle soit une communauté d’espérance ! ».

En cette messe chrismale 2017, alors que nous sommes engagés dans l’année de l’Esprit- Saint, que notre pays se prépare à des échéances politiques importantes dans une ambiance déstabilisée et inquiète, alors que la scène internationale semble reculer dans ses efforts vers la paix et la justice, alors que nos frères chrétiens du Moyen- Orient n’en finissent pas d’être persécutés et que notre Église est secouée par sa propre infidélité à l’Évangile de son Seigneur, je voudrais que nous priions de toutes nos forces pour être une communauté d’espérance.

La prière est une déclaration amoureuse qui engage tout l’être dans la confiance et l’abandon au Seigneur, maitre de l’histoire.  Elle est louange à Celui qui nous a menés jusque-là et qui fait d’aujourd’hui le lieu de son engagement toujours nouveau. Elle creuse le désir pour qu’il soit purifié et multiplié par le don de Dieu et la puissance de l’Esprit -Saint.

Chers frères prêtres, dans quelques instants, vous renouvellerez les engagements que vous avez pris le jour de votre ordination. Parmi eux, il y a la prière de la Liturgie des Heures. Chers frères diacres, vous êtes également concernés.  Cette prière que nous disons au nom de l’Église pour le monde est un véritable service que nous rendons à l’Église et au monde. Elle participe à cette fidélité dont l’Esprit travaille l’Église et qui l’ouvre au don de Dieu. Saint- Augustin y insistait beaucoup : nous ne demandons pas à Dieu ce qu’il ignorerait, nous lui demandons, afin que par cette demande l’Esprit Saint élargisse nos cœurs à ce qu’il veut pour nous et pour le monde. Et c’est toujours tellement plus.

Aujourd’hui prions ensemble pour devenir une véritable communauté d’espérance, ici et maintenant pour notre diocèse, telle que le Seigneur le veut, de manière spécifique et concrète. L’Évangile a vraiment de l’avenir dans la Somme. Pour accueillir cet avenir, il faut continuer à laisser l’Esprit- Saint décrisper nos mains souvent trop fermées sur le passé, il faut le laisser nous déshabituer de nos certitudes (elles ne sont pas toujours mauvaises, mais trop souvent elles nous lient), il faut laisser l’Esprit -Saint nous bousculer pour abandonner parfois des choses apparemment (et réellement !) importantes, et oser des choses vraiment nouvelles (parfois même des choses dont nous avons pu dire avec insistance que nous ne les ferions jamais…). Devenir une communauté d’espérance, c’est ainsi être toujours davantage une communauté d’Esprit Saint. Et dans l’Esprit Saint, une communauté fraternelle et créative. Je demande au Seigneur une nouvelle effusion de l’Esprit pour le diocèse, et je ne peux ici que vous relayer l’invitation qui sera faite dans chacune de vos paroisses, à vivre une neuvaine de l’Esprit Saint à l’occasion de la Pentecôte.

Parce que nous sommes communauté de désir, de foi et d’Esprit- Saint, c’est en étant une communauté missionnaire que nous serons communauté d’espérance.

La deuxième rencontre qui me venait à l’esprit est celle que j’ai faite jeudi dernier ici-même à Doullens, lors de la visite de l’EPIDE (Établissement pour l’insertion dans l’emploi), cet établissement qui s’est installé dans les locaux de l’ancienne base aérienne, et qui aide des jeunes désocialisés et souvent déstructurés à retrouver l’envie, le cadre et les moyens de s’insérer dans la vie professionnelle et sociale. Alors que je rencontrais une dizaine de jeunes qui y sont engagés, Cyprien, un grand gaillard d’une vingtaine d’années, m’a posé une question pour conclure en disant : « Dieu sait bien que je crois en lui et que je l’aime ! » Cri du cœur que je n’ai entendu nul part ailleurs d’un jeune qui cherche à se reconstruire. Cri de dignité et d’espérance.

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, … » disait Jésus il y a quelques instants et en précisant ; « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. ». Saint Vincent de Paul, après l’étincelle de Folleville qui eut lieu le 25 janvier 1617, sera très marqué par ce passage. L’onction d’Esprit Saint – je vais en bénir les huiles dans quelques instants – met en mouvement pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Et il comprit alors que l’Église ne serait catholique et que l’Évangile ne serait annoncé à tous que si les plus démunis étaient les premiers dans l’Église, et les premiers dans la mission. Son indignation devant l’indigence spirituelle des pauvres ne cessa de croître parce qu’ainsi on leur volait Dieu, source fondamentale de la dignité humaine, source toujours actualisée de l’action pour la vie, la justice et la paix, source de l’authentique relèvement, seule véritable source d’espérance.

L’Esprit – Saint selon ce que l’Écriture Sainte dit de lui et tel qu’il sera invoqué dans quelques instants sur l’huile des malades est appelé « consolateur. » Notre monde a tant besoin de consolation. Il me semble que les 50 adultes qui seront baptisés lors de la Vigile pascale et que les 130 adultes qui seront confirmés à la Pentecôte nous disent de la part du Seigneur que nous sommes déjà communauté d’espérance, et nous invitent à le devenir davantage.

La source de l’Espérance est en Dieu seul. Elle est Dieu lui-même dans son éternelle fidélité, elle est Dieu lui-même dans le don du Fils qui ne cesse de se donner à nous, elle est Dieu lui-même dans l’effusion de l’Esprit Saint toujours offerte.

Ne nous laissons pas voler l’Espérance.  C’est l’un des enjeux du synode que je convoquerai en septembre prochain. Prions pour que nous devenions une communauté d’espérance. Et rendons grâce au Seigneur : dans la puissance de l’Esprit Saint, il vient le faire. Qu’il soit béni.

+ OLIVIER LEBORGNE, ÉVÊQUE D’AMIENS

MGR Olivier Leborgne

Devenir une communauté d’espérance, c’est ainsi être toujours davantage une communauté d’Esprit- Saint. Et dans l’Esprit Saint, une communauté fraternelle et créative.