Noël par Mgr Olivier Leborgne

Noël. Comme chaque année, nous nous y sommes préparés. Comme chaque année… Une année de plus qui s’ajoute aux précédentes dans la banalité de la répétition ? Ou une année radicalement nouvelle ?

Le Verbe s’est fait chair. Dieu s’est fait homme. Nous sommes devant l’Immense. Nous sommes devant l’explosion de la miséricorde : peut-il y avoir d’autres raisons à cette décision de l’Infini de venir habiter le fini, de l’Absolu d’habiter la contingence, du Tout Puissant de se faire tout vulnérable ? Et qu’elle peut être la finalité de la miséricorde en acte, sinon de redire la dignité infinie de la personne humaine, de lui apporter le salut auquel tous aspirent, de lui ouvrir dès maintenant les chemins de la vie, d’inscrire dans la chair sa vocation d’éternité ?

Nous le comprenons, tout se joue dans ces « épousailles », dans l’Amour qu’est Dieu qui vient dans « l’admirable échange » assumer notre humanité pour nous partager sa divinité. Tout se joue dans la personne de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Tout est là. À minimiser la folie de l’incarnation, une hérésie qui s’est très souvent présentée dans l’histoire de l’Église, tout le sens de la fête de Noël disparaît en se réduisant à une gentille émotion. À minimiser la folie d’un Dieu qui reste pleinement Dieu tout en plongeant dans notre humanité jusqu’à l’épouser, on vide Noël, on vide cette fête de tout son impact sur la vie
concrète des hommes.

Si Jésus est négligé dans sa divinité, s’il n’est qu’un prophète ou un sage, la foi n’est plus qu’une morale au bout inopérante (comme toutes les morales dont le drame est d’indiquer un chemin sans donner les moyens de le prendre).

Si Jésus est négligé en son humanité, le salut annoncé n’a pas de prise sur l’homme auquel Dieu reste extérieur. C’est comme si on interdisait à la miséricorde d’avoir prise sur l’homme.

Noël : Jésus vrai Dieu et vrai homme, « complètement Dieu et complètement homme », si je peux oser l’expression. Tout est là. « Dieu s’est fait homme afin que l’homme soit fait dieu », comme ne cessent de le répéter les Pères de l’Église.

À travers cette expression, l’Église ne défend pas seulement une vérité de foi, elle défend la dignité de l’homme. Parce qu’elle est la fête de l’incarnation du Verbe éternel du Père, la fête de Noël est la fête de la dignité de la personne humaine. De toute personne humaine,sans exception.
Les récits de la Nativité, que nous entendrons la nuit de Noël, insistent à deux reprises sur le fait que Jésus est né dans une mangeoire. Celui qui nait, nait pour être mangé. Étonnante expression, pourtant absolument vraie. Celui qui nous interdit de nous manger (cf. l’interdit du récit de création au chapitre 2 du livre de la Genèse) nait dans une mangeoire: sans rien vouloir imposer, il se donne jusqu’à vouloir devenir nourriture, énergie, vie de notre vie, miséricorde en acte pour ceux qui acceptent d’accueillir en eux la miséricorde du Père qui n’est pas un sentiment mais quelqu’un. Et celui que nous recevons à chaque eucharistie est réellement et vraiment le Crucifié ressuscité. Il y a un lien très fort entre la réalité de Jésus vrai Dieu vrai homme, et celle de l’eucharistie présence réelle du Ressuscité. Noël annonce Pâques et contient déjà Pâques.

Alors que notre pays est fortement troublé, fêter Noël n’est pas anodin. Ce sera, je l’espère, pour la plupart d’entre vous une fête de famille. Mais cela est bien plus.

Fêter Noël, c’est prendre parti sur Dieu, et donc sur l’homme, c’est prendre parti pour Dieu et donc pour l’homme. Fêter Noël, parce que c’est un acte religieux est un acte politique.

La communion elle-même, où celui qui est né dans une mangeoire se donne jusqu’au bout pour nous faire vivre de Dieu lui-même, scelle la dignité définitive de toute personne humaine. Notre manière de signifier notre adoration (pensons à la manière dont nous posons les gestes de la communion) à la communion, dit l’adoration véritable que nous avons de l’enfant de la crèche et l’aspect révolutionnaire de la miséricorde manifesté définitivement en lui. Ne passons pas à côté.

Joyeux Noël

+ OLIVIER LEBORGNE, ÉVÊQUE D’AMIENS

MGR Olivier Leborgne